Une nouvelle guerre de l’opium fait rage, et elle devrait s’étendre bientôt à l’Europe. C’est l’avertissement lancé hier par un haut responsable américain chargé de la lutte contre la drogue : si la Chine ne prend pas des mesures vigoureuses pour limiter l’exportation de Fentanyl, cette substance stupéfiante qui fait des ravages aux États-Unis, le monde entier pourrait bientôt être submergé. Le Fentanyl, c’est un produit cinquante fois plus puissant que l’héroïne, hyper addictif, peu cher, responsable de la majorité des 110 000 morts d’overdoses par an aux États-Unis. Rien que l’année dernière, la police américaine a saisi de telles quantités qu’elles auraient suffi à tuer tous les Américains.
Dans cette histoire-là Chine, fabrique les produits chimiques
de base du Fentanyl, exactement comme pour le Doliprane. Les deux principaux
cartels mexicains se fournissent là-bas, le Sinaloa et le Jalisco, avec des
passeurs qu’ils appellent des Marco polos, du nom du grand voyageur italien qui
a découvert l’empire du milieu. Et avec les matières premières, ils fabriquent le produit fini qu’ils exportent sur le marché américain, via la plaque
tournante de Tijuana, à la frontière entre le Mexique et les USA.
C’est un business organisé de façon très classique : matières premières sourcées en Chine, transformation dans un pays à niveau de vie intermédiaire et consommation dans un pays riche. Les cartels mexicains, comme n’importe quelle entreprise, ont en ce moment un problème stratégique. Car la marijuana va être légalisée au Mexique, elle l’est déjà dans nombre d’États américains. Or, ce qui fait les profits de la drogue, c’est le risque, lui-même causé par l’interdiction. Pas d’interdiction, pas de profits. Ils sont donc en train de se reconvertir dans le trafic de Fentanyl, ultra-rentable, car la matière première vaut quelques dizaines de dollars le kilo. Il est revendu au détail plusieurs centaines de fois le coût de la matière première.
Et la Chine ne
coopère pas, dans cette lutte contre le crime. Elle avait fini par le faire, à partir de
2018-2019, notamment en surveillant les sites d'e-commerce locaux auprès
desquels on pouvait s’approvisionner en produit fini sur le darknet, cet
internet sans contrôle. Pékin avait notamment renforcé les contrôles sur deux
ingrédients. Mais en rétorsion à la visite à Taiwan de Nancy Pelosi, une
parlementaire démocrate, elle a cessé la coopération, en août dernier.
L’épidémie risque donc de repartir de plus belle sur les marchés consommateurs.
C’est l’une des catastrophes sanitaires les plus importantes qu’a connues l’Amérique. Et c’est aussi l’un des causes de la chute de l’espérance de vie qu’on observe aux États-Unis. Elle a commencé il y a quelques années avec des produits légaux dérivés de l’opium, comme l’Oxicontyn, un anti-douleur, produits fabriqués par les labos pharmaceutiques américains. Peu à peu, ces labos, qui connaissaient la toxicité et le potentiel addictif de leurs produits, ont été condamnés lourdement. Mais les cartels de la drogue ont pris le relai avec le Fentanyl. L’usage, d’abord localisé chez les blancs, jeunes, sans diplômes et la plupart du temps sans travail, s’est alors diffusé largement à la population noire américaine, aujourd’hui la plus exposée au risque du Fentanyl. La drogue est arrivée en France en 2018, et les saisies opérées par la police augmentent régulièrement.
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