Allons bon, voilà qu’une banque américaine fait faillite et provoque la chute en bourse de tous les établissements financiers mondiaux. Le canari dans la mine, c’est le scénario que redoutent les marchés.
Dans le temps, les mineurs étaient toujours accompagnés d’un oiseau en cage au fond du puits à charbon. En cas de fuite de grisou, ce gaz explosif inodore, ils voyaient l’oiseau s’agiter, ce qui était le signe de l’alerte générale pour éviter l’explosion ou l’asphyxie. La faillite de la Silicon Valley Bank, la SVB, ressemble à la mort d’un canari dans la mine de la finance. Ce n’est pas un très bon signe.
Qu’est-ce qui s’est passé exactement ? Cette banque, la SVB, a été victime vendredi de ce qu’on appelle un bank run, à cause de rumeurs d’insolvabilité. En quelques heures, les clients ont tenté de retirer plus de 40 milliards de dollars de leurs dépôts. Ils ont donc provoqué sans le vouloir la faillite qu’ils redoutaient. Du coup, la banque a fermé, l’État américain en a pris le contrôle, et les dépôts, assurés sans limite par la puissance publique, devraient être accessibles à l’ouverture aujourd’hui.
Les clients de cette banque sont pour la plupart des entreprises, start-up de la tech et exploitants de vins californiens. La plateforme de streaming Roku possède, par exemple, 480 millions de dollars à la SVB. Au total, il y en a pour près de 200 milliards, c’est la plus grosse faillite depuis la crise financière de 2008.
Quelle est la cause de cette faillite ? Toujours la même, depuis des siècles de finance, l’imprudence. La SVB, profitant de la folie start-ups après la pandémie, a accumulé les clients avec des comptes super garnis. Et elle a placé une partie de cet argent, 91 milliards, dans des bons du Trésor, pour améliorer ses profits. Des obligations, aux taux d’intérêt de l’époque, assez faibles.
Là-dessus, en 2022, l’inflation s’emballe, et la banque centrale américaine remonte les taux d’intérêt fortement dans l’espoir de ralentir l’économie pour calmer la hausse des prix. Le stock d’obligations de la SVB voit alors sa valeur chuter, puisque, étant émis à taux faibles, il rapportait moins que les nouvelles obligations disponibles, à taux élevés. La SVB, étranglée par le garrot qui se serre, commence alors à vendre ses titres, à perte, par crainte de perdre encore davantage si elle attend. Les rumeurs s’amplifient, les clients fuient, c’est le krach. Voilà toute l’histoire.
Quelles conséquences cette faillite peut-elle avoir ? Il risque d’y avoir de fortes pressions sur les autres banques de taille petite ou moyenne, qui pourraient subir à leur tour des retraits. Il faut éviter l’effet domino, c’est-à-dire que la faillite des uns entraîne celle des autres. C’est pour cela que le Trésor a pris le contrôle de la banque, et d’une autre en difficulté hier, Signature Bank.
La hausse des taux a été le déclencheur, pas la cause, qui tient davantage à l’erreur des managers de la banque, avec leurs placements risqués. Mais cette affaire signale probablement la fin de la violente hausse des taux d’intérêt que nous avons connue depuis un an. Certes, c’est un médicament contre l’inflation. Mais dans un monde surendetté, il a des effets secondaires graves, car il provoque la faillite des plus faibles et des plus imprudents, qui risquent d’entraîner à leur tour les plus solides. La lutte contre l’inflation ne mérite pas une nouvelle crise financière.
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