ÉDITO - Emploi : pour les cadres "cette année, les perspectives sont encore à la baisse", selon Martial You

On a moins recruté de cadres dans les entreprises l'an dernier. C'est le constat de l'APEC, l'association pour l'emploi des cadres. Est-ce le signe que le marché du travail est en train de se retourner ?

Oui. Parce que les cadres étaient une exception dans le monde du travail, ces dernières années : ils étaient en situation de plein emploi. On manquait de cadres dans les entreprises, leurs recrutements étaient en hausse continue depuis 10 ans et le chômage dans cette catégorie était aux alentours de 5% de la population, donc nettement en dessous de la moyenne globale qui est située entre 7 et 7,5%.

Ça s'est retourné au cours de l'année dernière. Et de façon assez brutale. On a embauché 8% de cadres en moins l'an dernier qu'en 2023. Et cette année, les perspectives sont encore à la baisse : -3,6%. 

Une économie plus incertaine sur l'avenir et qui se répercute sur l'embauche

Cela signifie qu'on va recruter moins de 300.000 cadres en 2025, un niveau qu'on n'avait pas connu depuis 2019. Et ce qui est frappant, c'est de revenir au début de 2024 pour comprendre la brutalité du coup d'arrêt. Quand on avait interrogé les patrons d'entreprises en janvier/février 2024, ils pensaient continuer à recruter des cadres et voyaient une hausse de 2% des embauches dans cette catégorie. Un an plus tard, on finit à -8%.

Que s'est-il donc passé ? L'été meurtrier ! La dissolution, l'instabilité politique qui a suivi. L'économie s'est vitrifiée, tout le monde s'est recroquevillé en mode survivaliste dans son bunker. 

L'économie s'est mise à manger des boites de conserve et à stopper ses investissements en attendant d'y voir plus clair. On commence tout juste à mesurer objectivement le coup d'arrêt de cette dissolution sur notre économie.

Pourquoi la situation ne va pas s'arranger avec les annonces de Donald Trump ?

Évidemment ! L'emploi des cadres est directement lié aux investissements des entreprises. On recrute énormément de cadres dans les métiers d'ingénieurs ou de recherche et développement. Après la dissolution, les investissements ont chuté de 1,4%, c'est la première lame. Et bien sûr, aujourd'hui, les embauches dans l'industrie ou dans le commerce vont être impactées par la chute des échanges internationaux, donc les prévisions pour 2025 risquent d'être sérieusement revues à la baisse.

Tous les postes de cadres sont concernés par ce repli des embauches. Tous les profils et toutes les régions réduisent la voilure en termes d'embauche de cadres. Mais c'est pareil pour tous les métiers. On retrouve évidemment les "Fragiles" du marché de l'emploi, comme toujours quand la conjoncture se retourne : les jeunes et les séniors. Avec un motif d'inquiétude supplémentaire pour les juniors selon moi.

Pourquoi les travailleurs juniors sont particulièrement exposés ?

Non seulement, leur recrutement baisse fortement par rapport aux autres : -19% d'embauches en moins en 2024 pour les postes de cadres juniors avec moins d'un an d'expérience. À cause de la conjoncture, mais aussi à cause de l'émergence de l'intelligence artificielle. Ils risquent d'être les premières victimes de l'IA. 

Quand je regarde les profils de postes où les recrutements de jeunes cadres sont les moins importants, vous avez l'informatique, les télécom, le juridique, la comptabilité, la communication, des postes où l'intelligence artificielle est capable d'exécuter des tâches faciles. 

Et pour cette jeune génération, c'est un enjeu majeur. Beaucoup ont commencé leurs études et obtenu leurs diplômes il y a 5 ou 6 ans (avant ChatGPT) et leurs formations sont désormais percutées par l'IA.

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