L’information paraît dramatique. Le 5 janvier dernier, dans une interview accordée au Parisien, Marlène Schiappa confirmait une hausse de 60% des violences conjugales pendant le deuxième confinement. Pourtant, depuis quelques jours, la potentielle disparition du 3919, un numéro d'alerte pour les victimes de violences conjugales, inquiète.
Le 11 janvier, sur les réseaux sociaux, la militante Caroline de Haas, membre du collectif "Nous toutes", affirme que le 3919 va disparaitre à cause d'une décision du gouvernement. Étonnant alors que ce numéro est imprimé sur de nombreuses affiches et flyers, et qu'il est devenu une référence dans la lutte contre la peur et la brutalité domestique.
Sollicité par le journal en ligne Le Huffpost, l’entourage d’Elisabeth Moreno, la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, dément toutefois cette affirmation. "Il n’est aucunement question de supprimer le 3919 ou de changer le numéro", dit-elle. Fin de l’histoire ? Polémique montée en épingle ? Hé bien pas vraiment. En vérité, le gouvernement et Caroline De Haas ont tous les deux raison à 50%.
Remontons dans le temps et allons voir ce qu’il se passe entre le 3 septembre et le 25 novembre 2019. Une longue période durant laquelle le gouvernement va organiser une série de tables rondes autour de la problématique des violences conjugales, plus connue sous le nom de "Grenelle" des violences conjugales.
Parmi les décisions annoncées, un élargissement des horaires d’écoute du 3919. Il s’agit de tenir compte du décalage horaire avec les départements et territoires d'outre-mer. Le service doit fonctionner 24h/24, alors qu'il ferme actuellement à 22h en semaine et 18h le week-end.
La ligne doit également devenir accessible aux personnes malentendantes ou ayant des troubles du langage. Pour changer de cadre juridique, le gouvernement a lancé une procédure de marché public, inévitable selon l’entourage d’Elisabeth Moreno à l’AFP. Or, le collectif "Nous toutes" a repéré que le cahier des clauses techniques particulières du marché public évoque "un numéro d'accès fourni par l'État".
Le gouvernement n'est pas propriétaire de l'actuelle ligne, le 3919, détenu par la Fédération Nationale Solidarité Femmes depuis 1992. Si on change de numéro, tout le travail s’écroule, expliquent les associations féministes ainsi que la ligue des droits de l’Homme.
En novembre, le cabinet d’Elisabeth Moreno expliquait qu’il s’agissait de faire de cette ligne un véritable service public et donc "le recours à la commande publique s'impose". Sans une telle procédure, le risque de contestation juridique serait "avéré", ce qui pourrait "retarder la mise en service" de la plateforme remaniée, voire la "mettre en danger".
Le gouvernement a expliqué que le 3919 n’allait pas disparaitre mais si un autre numéro est créé par l’appel d’offre, comment faire perdurer le 3919 ? Voilà une vraie interrogation nimbée d’un épais mystère.