"Un retour presque inespéré" : à Luchon, le train redonne vie à la vallée

Dix ans d’attente, et un retour triomphal. Il est 11h19 à la gare de Bagnères-de-Luchon, quand le TER en provenance de Toulouse entre en gare. Sous le regard émerveillé des habitants, la locomotive flambant neuve s’immobilise face aux montagnes pyrénéennes.

Une scène époustouflante pour cette cité thermale de 2.000 habitants, privée de train depuis 2014, après des inondations qui avaient gravement endommagé des infrastructures vieillissantes. Dix ans plus tard, le rail renaît, grâce à un chantier entièrement financé par la région Occitanie. Et le succès est déjà au rendez-vous : 30.000 voyageurs en trois mois.

Sur le quai, Jean-François, béret vissé sur la tête, foule le sol avec émotion. Ce cheminot retraité, originaire de Muret près de Toulouse, a commencé sa carrière ici en juillet 1974. Depuis, il n’a jamais cessé de militer pour le retour du train dans la vallée. "Nous étions obligés de prendre le bus, raconte-t-il. Il fallait une heure pour parcourir 35 kilomètres. Aujourd’hui, le train met 35 minutes. C’est incomparable !" Pour lui comme pour beaucoup d’habitants, ce retour est une renaissance.

Le train met en cohérence tous les investissements réalisés ces dernières années. Les thermes, la télécabine vers Superbagnères, la maison de santé… Tout cela prend enfin sens.

Éric Azémar, maire de Bagnères-de-Luchon

À Luchon, on parle d’un véritable effet domino. La réouverture de la ligne a redonné du dynamisme au commerce local. Jean-Luc Bergeon, gérant d’une boutique du centre-ville, le constate chaque jour : "Beaucoup de mes clients me disent maintenant : 'Nous venons en train.' Ça nous fait des clients en plus, donc le chiffre d’affaires a augmenté, peut-être de 10 % supplémentaires."

À écouter aussi

Un jour, une vie

ON VOUS EN REPARLE - Trois anecdotes insolites de carnaval en France

21/02/2023 à 06:52 - 03m19s

Pour Éric Azémar, maire de Bagnères-de-Luchon, ce train est bien plus qu’un moyen de transport : "Le train met en cohérence tous les investissements réalisés ces dernières années. Les thermes, la télécabine vers Superbagnères, la maison de santé… Tout cela prend enfin sens." La commune a investi 200 millions d’Euros dans la modernisation de ses infrastructures. Et les résultats se font sentir… la fréquentation du plateau de Superbagnères a bondi de 40 % cet été.

Un train qui relie

Le retour du rail change aussi les habitudes de vie. Sur le quai, Florence s’apprête à embarquer vers Toulouse : "Je vais plus souvent voir des concerts, visiter des expos… C’est le même temps qu’en voiture, mais sans le stress de la conduite ni les bouchons." Six allers-retours quotidiens relient désormais Montréjeau à Bagnères-de-Luchon, offrant aux habitants une vraie alternative à la voiture et un lien renforcé avec les grandes villes comme Toulouse ou Bordeaux.

Même l’immobilier s’en ressent. De nouveaux arrivants envisagent de s’installer à Luchon tout en télétravaillant, grâce à cette connexion ferroviaire retrouvée. "Certains couples venus en train pour leurs vacances ont fini par se marier ici !", s’amuse le maire. "Il y a dix ans, beaucoup doutaient de l’avenir du rail. Aujourd’hui, les mentalités ont changé."

"Tout le quartier revit"

Autour de la gare, la transformation est spectaculaire. Autrefois déserté, le quartier reprend vie. "À l’époque, la dame du guichet s’ennuyait presque, se souvient un habitant. Maintenant, tout le coin bouge à nouveau."

Derrière le guichet flambant neuf, Jérôme, nouvel agent de vente, ne cache pas son émotion : "Je suis de la vallée, j’ai conduit sur cette ligne avant sa fermeture. La revoir revivre, c’est fou. Je me doutais qu’il y aurait un franc succès. C’est un retour presque inespéré."

Ouverte en 1873, la ligne Montréjeau–Bagnères-de-Luchon symbolise aujourd’hui la renaissance du train régional. En misant sur la relance des petites lignes, la région Occitanie prouve qu’un autre modèle est possible : un transport durable, de proximité, et porteur de vie pour les territoires ruraux. Le pari de Luchon est déjà gagné, la "reine des Pyrénées" a retrouvé son trône.