"J'ai investi mon capital dans la seule chose que je pouvais faire avec, c'est acheter un mobil home", explique Florence. Cette mère de deux enfants, divorcée, habite dans un parc résidentiel de loisirs dans le Morbihan depuis octobre dernier. Comme elle, ils seraient 100.000 en France à vivre au camping, selon un rapport de la Fondation Abbé Pierre daté de 2022.
Auparavant, Florence était locataire. Avec une pension, son activité d'employée de commerce et de femme de ménage à mi-temps, elle touche l'équivalent du SMIC. Elle a choisi de ne pas renouveler sa demande de logement social. "Je payais 500 euros par mois de loyer (...) ce qui grévait beaucoup mon budget, détaille-t-elle. Et donc, n'ayant pas les moyens d'acheter une petite maison, ce qui était mon rêve. Je me suis tournée vers le mobil home". Aujourd'hui, elle loue sa parcelle de terrain un peu moins de 300 euros par mois.
"Sa situation présente un certain nombre de caractéristiques que l'on retrouve chez de nombreuses personnes qui habitent en mobil home, explique le sociologue spécialiste du logement Gaspard Lion auteur de Vivre au Camping (Seuil, disponible le 5 avril). Le fait qu'elle est employée, qu'elle ait des revenus modestes qui la situent a priori plutôt du côté des classes populaires, c'est le cas des personnes qu'on rencontre dans ces terrains de camping".
"On a des personnes qui peuvent y arriver après des difficultés beaucoup plus prononcées, note par ailleurs le sociologue. Par exemple une perte d'emploi. Puis enfin, vous avez des personnes qui ont connu des difficultés résidentielles depuis longtemps et pour qui le camping peut même constituer une forme d'amélioration de leur situation, notamment des personnes qui avaient connu la rue".
Le camping est une alternative à la maison inaccessible, dans un contexte où l'accès à la propriété est devenu de plus en plus difficile pour les classes populaires
Gaspard Lion, sociologue
Gaspard Lion a travaillé sur ce phénomène pendant 4 ans. Selon lui, la crise économique et la crise du logement participent à l'arrivée de nouveaux résidents sédentaires dans les campings. Dans ce contexte, "le camping est une alternative à la maison inaccessible, dans un contexte où l'accès à la propriété est devenu de plus en plus difficile pour les classes populaires."
Et le phénomène pourrait s'accentuer. "Ce qui nous inquiète, c'est qu'il y a une montée des impayés de loyers, notamment dans le parc social", détaille de son côté Manuel Dormergue, le directeur des études à la Fondation Abbé Pierre. Selon la fondation, "parmi nos 4 millions de personnes mal logées, on a 1 million de personnes qui n'ont pas de logement personnel, donc qui sont soit à la rue, soit en centre d'hébergement, soit hébergées chez des tiers. On a 2 millions de personnes qui sont en situation d'inconfort, et à peu près 1 million qui sont en situation de surpeuplement accentué".
On était partis pour y vivre temporairement et puis du coup, on est restés
Jean-Paul, résident permanent d'un camping
Jean-Paul, lui, est un agent d'entretien de 50 ans. Il habite en Bretagne, avec sa femme, et se dit très heureux de vivre en mobil home. "On est à 630 euros pour 4 pièces. Je loue et le terrain et le mobil home, comme une maison normale. On était partis pour y vivre temporairement et puis du coup, on est restés. On vit bien, c'est le début de la liberté. Vous n'avez pas de voisins dessous, vous n'avez pas de voisins dessus", indique-t-il.
Pourtant, Jean-Paul indique que les parents de ses voisins "partent du principe que leurs enfants sont des gitans, des manouches, des romanos, des SDF parce qu'ils vivent dans un camping. D'ailleurs, ils ne sont jamais venus". Selon lui, certaines personnes rechignent même à venir récupérer des articles achetés sur Le Bon Coin, quand ils apprennent qu'il faut venir les récupérer dans un camping.
Les personnes qui vivent au camping à l'année peuvent être mises à la porte à tout moment
Gaspard Lion, sociologue
Il est interdit par le code du tourisme d'être domicilié dans un camping, explique Nicolas Dayot, le président de la Fédération Nationale de l'Hôtellerie de Plein Air - syndicat qui représente plus de la moitié des quelque 7500 campings français. "La vocation du camping, c'est d'accueillir des touristes pour leurs vacances, pour des week-ends au printemps ou en automne, mais absolument pas dans un objectif d'habitat permanent", détaille-t-il, sans pour autant nier "un épiphénomène". Il rappelle également que seuls 9% des campings sont ouverts toute l'année, sans coupure hivernale.
Dans les faits, vivre au camping est malgré tout toléré par les propriétaires. "En fait, les contrôles sont très peu fréquents et sont très difficiles. Seul le maire, le préfet, quelques rares agents assermentés et seulement sous certaines conditions, en cas de trouble à l'ordre public par exemple, sont autorisés à inspecter les terrains de camping", explique Gaspard Lion. Pour autant, les personnes qui résident à l'année dans les campings sont soumises à une épée de Damoclès : "elles peuvent être mises à la porte à tout moment", signale le sociologue.
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