Pourquoi le démarchage, qui sera bientôt interdit, est-il né en même temps que le téléphone ?

Le démarchage téléphonique connaît ses dernières heures. Mercredi 21 mai, le Parlement a définitivement entériné, après un ultime vote du Sénat, l'interdiction de cette pratique qui exaspère les consommateurs constamment sollicités pour des propositions commerciales.

Dans le cadre d'une proposition de loi plus large sur la fraude aux aides publiques, la chambre haute a définitivement adopté ce dispositif, qui imposera à tous les démarcheurs d'obtenir au préalable le consentement des consommateurs avant de les solliciter, une logique inversée par rapport aux règles actuelles. La mesure entrera en vigueur en août 2026.

Cette proposition de loi va donc interdire quelque chose d'aussi vieux que le téléphone. Pour le comprendre, il faut remonter au 10 mars 1876. Ce jour-là, l'Écossais Alexander Graham Bell prononce, via son procédé de transmission de la voix par des fils électriques, quelques mots : "Mr. Watson, venez ici, j'ai besoin de vous". Il vient d'inventer le téléphone, mot créé grâce à deux racines grecques anciennes : télé, loin ; et phone, voix.

Un faux enlèvement

Mais dans la foulée, le fameux démarchage téléphonique va débuter, à cause d'une invention : l'annuaire. En France, le premier annuaire apparaît dès 1880 et prend le nom de l'inventeur de l'ancêtre des Pages Jaunes, l'almanach du commerce et de l'industrie, Sébastien Bottin. Les démarcheurs saisissent alors l'opportunité, d'autant plus que les possesseurs de téléphone sont, alors, tous des gens aisés.

Huit ans plus tard naît la première arnaque répertoriée de l'histoire, à Chicago. Un homme d'affaires fait installer une ligne de téléphone entre sa maison et son bureau. Un jour, un certain Thomas Jefferson Odell se présente chez lui. Il demande alors au valet s'il peut utiliser le téléphone pour joindre le businessman à son bureau. 

Comme Odell est élégant, le valet ne se méfie pas. Sauf qu'une fois au téléphone, l'arnaqueur appelle et annonce à l'homme d'affaires qu'il retient sa femme prisonnière. Pour la libérer, il exige une rançon de 20.000 dollars (une somme équivalente, aujourd'hui, à 670.000 dollars), que le businessman verse à un complice d'Odell. Avant de rentrer chez lui et de découvrir qu'il n'était rien arrivé à son épouse.

Augmenter la productivité

Le démarchage massif remonte, lui, à 1967, mais toujours aux États-Unis. Une campagne est alors menée pour Ford, qui investit 2,8 millions de dollars. Mais l'opération est un succès : le constructeur réalise 24 millions de ventes de voitures.

En 1984, c'est Douglas Samuelson, encore un États-unien, qui crée la machine qui pourrit, aujourd'hui encore, la vie des Français en moyenne quatre fois par semaine : le predictive dialer. Ce système informatique compose automatiquement une liste de numéros à partir d'une base de données.

Il passe même plusieurs appels en même temps, bien plus que le nombre de démarcheurs disponibles, car il anticipe qu'une partie seulement des personnes décrocheront. Lorsqu'un interlocuteur répond, l'appel est transféré aussitôt à un démarcheur disponible. Cette technique permet d'augmenter le volume d'appels traités et la productivité des équipes.

C'est donc à cause de Douglas Samuelson que 38% des Français, selon UFC Que Choisir, sont démarchés au quotidien. Mais jusqu'à l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi, en août 2026, il suffit d'apprendre les dix indicatifs de numéros à éviter. Une liste fournie par l'ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) : 01 62 ; 01 63 ; 02 70 ; 02 71 ; 03 77 ; 03 78 ; 04 24 ; 04 25 ; 05 68 ; 05 69 ; 09 48 ; 09 49.

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