La rémunération des grands patrons a battu des records l'an dernier : +52% de hausse de la rémunération pour les dirigeants du CAC40. Soit un salaire moyen qui frôle les 8 millions par an, selon le cabinet ProxInvest qui publie son 23e baromètre annuel. Cette hausse de 52% en 2021 a été obtenue en comparaison à 2019, la dernière année sans Covid.
Selon cette étude, un quart des dirigeants des 120 plus grosses entreprises du pays gagne plus de 5 millions d'euros par an. Un record depuis 15 ans. Cela démontre que Patrick Pouyanné, le PDG de Total-Energies qui se disait fatigué par la polémique sur sa rémunération de 6 millions pendant la grève des raffineries fait plutôt partie des salaires raisonnables.
Je pose d'emblée ce qui fait polémique à chaque fois qu'on parle du salaire de nos patrons. Mais, moi, ce n'est pas qu'un chef d'entreprise gagne près de 8 millions d'euros qui me choque. Ce qui me choque, c'est qu'on puisse s'accorder une hausse de rémunération de 52% sur 2 ans pendant que les salariés obtiendront (peut-être) 5%. Cela crée du clivage social et c'est anachronique.
D'abord vous avez le salaire fixe. Il a progressé de 4,5% depuis 2019. L'inflation sur cette période est proche de 3%. Mais c'est assez raisonnable. Ensuite, un dirigeant touche des parts variables assises sur les performances de l'entreprise. Entre 2019 et 2021, les bonus ont augmenté de... 34%. En 2020, la majorité des dirigeants avaient renoncé à 17% de leurs rémunérations à cause du coronavirus, ils se sont rattrapés en 2021, année de forte croissance économique.
Restent les portefeuilles d'actions : la valeur des titres qu'on leur attribue a progressé de 40% quand le CAC40 a pris 25%. Bien sûr, cette partie est volatile. Cela peut fortement baisser, parlez-en au patron de Facebook qui a perdu 11 milliards en une journée. Mais quand même... Vous voyez bien qu'on est systématiquement au-dessus des moyennes de référence.
Cela pose question, même chez les actionnaires. Vous savez que la rémunération des dirigeants doit être votée en assemblée générale depuis 2016. On appelle ça le "say on pay". Et bien, chez les actionnaires minoritaires (les petits porteurs), la moitié des votes contre portaient sur la rémunération des dirigeants. Et c'est logique : quand on parle de "partage de la valeur", de "dividende salarié", il faut une répartition équitable des fruits de la croissance.
Nos patrons français ne sont pas mieux payés qu'ailleurs. Sur le mercato des patrons, on est loin derrière les patrons allemands, qui gagnent plus de 15 millions d'euros par an, mais aussi des Anglais, avec 13 millions et demi d'euros. On est également derrière les Italiens, ou les Danois.
En fait, engager un PDG, c'est comme engager un joueur de foot : il y a un prix de transfert. Les grands patrons ne sont pas si nombreux. On vit souvent dans le mythe de l'homme providentiel. Les marchés financiers aiment voir arriver un dirigeant capé qui a déjà redressé des entreprises avant. Les enjeux qui pèsent sur les épaules des patrons sont colossaux et ce poids se rémunère. Je ne remets pas ça en cause. Mais il faut de la cohérence, de la décence avec les salaires dans l'ensemble de la société.
C'est pour ça qu'indexer les parts variables sur les engagements environnementaux de l'entreprise, sur l'égalité hommes/femmes, ça peut aussi être un moyen de rendre ces rémunérations plus morales.
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