Pourquoi la Chine multiplie-t-elle les acquisitions dans le monde ?
ÉDITO - Jeudi 5 janvier, le Château Bellefont Belcier est devenu propriété d'un investisseur chinois. Les Chinois détiendraient 130 propriétés dans le Bordelais, avec 3.500 hectares sur un total de 113.000 dans la région.

Les Chinois multiplient les acquisitions dans le monde. Jeudi 4 janvier, on a appris qu'un Saint-Émilion grand cru est passé sous le contrôle de l’Empire du Milieu. Le Château Bellefont Belcier est devenu propriété de Peter Kwok, qui achète là son septième domaine viticole dans le bordelais après avoir commencé ses emplettes il y a vingt ans exactement.
"C’est un honneur pour moi et ma famille de faire partie de la communauté de Saint-Émilion", a-t-il déclaré. Un honneur, mais aussi du business : 30% de la totalité des vins de Bordeaux ont été exportés vers la Chine durant la précédente campagne, pour un chiffre d’affaire de 365 millions d’euros. Les Chinois détiendraient 130 propriétés dans le Bordelais, avec 3.500 hectares sur un total de 113.000 dans la région.
Plus largement, ces acquisitions concernent tous les domaines. Pas plus tard qu’avant hier, c’est Jack Ma, le pape du e-commerce en Chine, qui voulait racheter une entreprise de paiements électroniques aux États-Unis, MoneyGram. Jack Ma est le fondateur du seul vrai rival d’Amazon, le groupe Alibaba.
Mais il s’est fait retoquer par les autorités américaines, qui ont interdit l’opération, pour raison de sécurité nationale. Malgré les assurances du chinois, l’administration a en effet estimé qu’il y avait un risque important si une entreprise chinoise mettait la main sur une entreprise possédant les données bancaires de nombreux citoyens américains.
Partout dans le monde, on s’alarme de la progression des Chinois
François Lenglet
Dans certains pays, on s’alarme de plus en plus des achats chinois. Jeudi encore, on apprenait qu’une petite ville sur les rives du lac Baïkal, en Sibérie russe où il y a la plus grande réserve d’eau portable du monde - 25% de l’eau portable existant sur la planète - a lancé une pétition sur internet pour demander à Moscou de bloquer les achats de maison, par des Chinois, au bord du lac.
Tout récemment, c’est la Nouvelle-Zélande qui bloquait le rachat d’une banque locale par des intérêts chinois. Peu avant, c’est l’Australie qui interdisait l’acquisition de nouvelles terres par leur grand voisin. Partout dans le monde, on s’alarme de la progression des Chinois, en particulier dans les secteurs stratégiques, la technologie et, désormais, la production agricole.
Cette fortune chinoise est le résultat de trente ans de croissance forcenée, en particulier grâce à l’exportation vers les deux grands marchés mondiaux que sont les États-Unis et l’Europe.
Avec l’argent qu’on leur a donné, ils reviennent chez nous
François Lenglet
Si je
résume, on leur a massivement acheté des vêtements, de l’électronique –
rappelons que la Chine est quasiment le seul fabricant de téléviseurs au
monde, et que c’est de très très loin le premier fabricant de téléphones – on
leur a acheté des panneaux solaires, de l’acier…
Et avec l’argent qu’on leur a
donné, ils reviennent chez nous pour acheter les propriétés viticoles et les
sociétés de technologies. Tout cela, c’est le recyclage des gigantesques
excédents commerciaux chinois.
Il y a deux freins qui
peuvent jouer. D’abord les réactions nationalistes ou protectionnistes dont on
parlait à l’instant, de plus en plus vives, et non sans raison. Et ensuite la
réaction de Pékin même, qui a cherché à limiter ces flux de capitaux chinois
vers l’étranger, parce que cela pesait sur le cours de sa propre monnaie, le
yuan.
Reste que tant que la Chine dégagera des centaines de milliards d’euros
annuels de plus-value dans le commerce avec le reste du monde, il faudra bien
que cet argent aille quelque part.