- 31m29s
3 min de lecture
Illustration de l'île Longue, en face de Brest
Crédit : FRED TANNEAU / AFP
Je m'abonne à la newsletter « Infos »
Ce mardi, un combat : celui des irradiés de l'Île Longue. L'Île Longue, c'est un fleuron de la marine française. Depuis les années 1970, cette presqu’île de la rade de Brest, abrite la base opérationnelle des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Jusqu'en 1996, les ogives arrivaient en pièces détachées, elles étaient assemblées par des militaires équipés d’une protection et d’un dosimètre pour mesurer les radiations.
Puis, avant d'être montées sur des missiles et installées dans les sous-marins, elles étaient stockées et entretenues dans "la nef", c’est comme ça qu’on appelait l’atelier de pyrotechnie. Là, ce sont des civils. Mais, pour eux, aucune mesure de protection, si ce n’est un casque et un bleu de travail. Autant dire rien du tout.
Depuis une vingtaine d'années, les anciens de l'Île Longue ont remarqué des décès précoces chez leurs collègues. En 2002, un pyrotechnicien est mort d’une leucémie fulgurante, à tout juste 50 ans. D’autres cas de leucémie ont suivi, et puis des cancers de la prostate, de la vessie, des maladies cardiaques Pierre se souvient : "On voyait ces gars, malades très jeunes, on se disait que ce n’était pas possible". Jean-Yves était l’un de ces gars.
Exposé pendant 25 ans aux solvants, à l’amiante, à la fibre de verre et aux rayonnements ionisants. "Il y a quelques années, on m’a diagnostiqué un cancer du poumon", dit-il. "Et, en 2017, un cancer du larynx".
En septembre 1996, un événement a semé le doute. On a retrouvé dans l'atelier des dosimètres indiquant la présence de radioactivité, alors qu'officiellement on ne la mesurait pas, puisqu’officiellement n’y avait aucun risque. Un rapport a été réalisé en interne et très vite classé secret-défense. Francis Talec se souvient : "On a appris que les nouvelles têtes nucléaires sur lesquelles on travaillait à ce moment-là émettaient des rayonnements neutroniques, avec une incidence quelle que soit la dose reçue. Et que les autres têtes nucléaires émettaient aussi des rayonnements. On est tombés des nues !".
Jusque-là, les mécaniciens, les artificiers ne s’inquiétaient pas plus que ça. "On était à quelques centimètres des têtes, on prenait notre temps, comme si de rien n’était. On nous disait qu’il n’y avait aucun risque, que c’était comme du bois, raconte Gilbert. On était naïfs. Moi, j’ai l’impression qu’on a violé mon intégrité".
Aujourd'hui les anciens de la "pyro" ont fini par se regrouper, ils cherchent à faire reconnaître leurs maladies professionnelles, la faute inexcusable de l’Etat, et leur préjudice d’anxiété. Seulement, ils ne peuvent rien prouver. "L’Etat n’est pas prêt à reconnaître leur exposition aux rayonnements", dit leur avocate.
Le Monde a contacté le ministère des armées, il répond que : "Les employés ont bénéficié des mesures de prévention et de surveillance conformes à la réglementation de l’époque." L'armée reconnaît quand même que des rayonnements supérieurs ont été mesurés en 1996 mais elle minimise aussitôt: il y a eu un bilan sur le personnel, "aucune anomalie" n’a été signalée.
Aucune anomalie et pourtant un sociologue du travail vient de publier une étude sur cet atelier. Il a identifié 200 personnes qui y ont travaillé : 54 étaient déjà décédées, à un âge moyen de 62 ans, c'est 77 au niveau national pour un ouvrier. Cela ne s’arrête pas là : sur les 97 personnes qui ont répondu au questionnaire, 63 se disent malades, 23 sont atteintes d’un cancer. Conclusion : "La France n’a jamais utilisé l’arme nucléaire", dit le chercheur, "mais on ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de victimes."
Bienvenue sur RTL
Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur
Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.
Bienvenue sur RTL
Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio
Je crée mon compte