Je suis allée en 2186, et c'était pas très cool
ÉDITO - Si les mentalités continuent à évoluer au même rythme, l'égalité femmes-hommes devrait être atteinte en 2186. Spoiler : j'ai fait un voyage dans le temps, et on n'y est toujours pas.

Le 7 novembre, une partie des Françaises, sur une initiative du collectif Les Glorieuses, a décidé de suivre les pas des Islandaises dans leur grève contre l'inégalité salariale. Soit quitter leur poste à l'heure à laquelle elles ne sont plus payées, symboliquement, jusqu'à la fin de l'année : 16h34. Lundi, des rassemblements ont eu lieu un peu partout en France, ainsi que des mobilisations en ligne grâce à différents hashtags (comme #7novembre16h34).
Quand on sait que l'égalité femmes-hommes ne sera atteinte qu'en 2186 si on n'accélère pas les choses (selon le Forum économique mondial), il y a de quoi avoir envie de se faire cryogéniser pour pouvoir profiter de cette société plus juste. Voir de ses propres yeux à quoi ça ressemble. C'est justement ce que j'ai fait. Mais si, je vous jure. J'ai fait comme Fry dans Futurama, et je me suis réveillée en 2186. Mauvaise nouvelle : tout n'est pas aussi idyllique qu'on l'avait prédit.
Les robots ont pris le dessus
Déjà, les fans de WALL-E peuvent hurler de joie : les robots sont là. Tout rutilants, prêts à nous épauler dans nos tâches quotidiennes.
Sauf qu'ils ont en fait créé une nouvelle concurrence de taille pour les femmes. Parce que les robots "féminins", eux, ne vieillissent pas ! S'ils rouillent un peu, on leur fait un petit contrôle technique et c'est reparti. Au pire du pire, on les remplace par un autre modèle, et personne ne voit la différence. Dans les métiers de représentation, par exemple, c'est bien utile. Imaginez donc une présentatrice qui peut vous débiter les infos en continu de jour comme de nuit, sans avoir besoin de retouche maquillage.
Et en plus : ils ne râlent pas ! T'imagines un peu, contrairement à ces femmes jamais contentes de rien, c'est le rêve (Oui, en 2186, l'intelligence artificielle n'est pas assez avancée pour que les machines décident de mener leur petite révolution et tous nous tuer). Et puis : ils ne tombent pas enceintes ! Adieu travailleuses au bide énorme rendues folles par leurs envies de fraises, hormones en dents de scie et nausées matinales ! Même plus besoin de les virer pour avoir osé se laisser féconder. Le rêve.
Des poules pondeuses
Sur le marché du travail, ce n'est donc pas folichon. L'humanité a franchement déconné au début du XXIe siècle. Les États-Unis ont élu Donald Trump de justesse en 2016. Résultat : le businessman à la choucroute folle a pu assouvir ses pulsions de stigmatisation et de discrimination en tout genre. Lui qui promettait d'interdire l'avortement au-delà de 20 semaines de grossesse a fini par l'interdire tout court pour se faire réélire 4 ans plus tard. Il a aussi fermé le Planning familial américain, qu'il voyait presque comme un agent du Diable (imaginez-donc, des professionnels de la santé aidant des femmes à bien vivre leur sexualité et assurer leur santé pour des copecs, quel scandale).
Bien sûr, les femmes les plus riches peuvent se permettre l'aller-retour pour un pays voisin où l'avortement est encore autorisé (tiens, c'était déjà le cas pour l'Irlande en 2016). Les plus pauvres doivent soit subir des grossesses non-désirées auxquelles elles voudraient mettre un terme, soit se mettre en danger en essayant de s'avorter par elles-mêmes (tiens, comme avant le XXe siècle).
Et puis, la planète a bien morflé avec notre obstination à la piller de ses ressources et à la maltraiter. Les catastrophes climatiques sont plus nombreuses, et les épidémies aussi, notamment féroces chez les tout petits et les plus âgés. Du coup, de nombreux gouvernements encouragent à enfanter en masse, pour la sauvegarde de l'humanité. Forcément, les femmes font moins d'études. Nous sommes (re)devenues des poules pondeuses. Tout compte fait, on se croirait plutôt en 1886.
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