À chaque semaine suffit sa peine. Ou pas. Vérifiez votre calendrier à chatons mignons : nous sommes bien en octobre 2016. Cela fait des dizaines d'années que les femmes se battent pour le droit à l'avortement. Et pourtant, il est encore inexistant dans certains pays comme l'Irlande ou la Corée du Sud. Ailleurs, il est parfois remis en cause, comme ça, du jour au lendemain, après des mois de nécrose bien pourrie du climat social.
C'est actuellement le cas en Pologne, où une proposition de loi amenée au Parlement fin septembre vise à le bannir, sauf pour les femmes enceintes dont la santé serait "en danger immédiat". La législation en cours n'est déjà pas folichone (vous entendez mon rire nerveux ?). Une "clause de conscience" permet aux médecins polonais de ne pas réaliser un avortement, en se basant seulement sur leurs valeurs.
Le pire, ai-je envie de dire, c'est que cette proposition de loi ne provient "même pas" des responsables élus - majoritairement issus de la droite catholique et conservatrice aux dernières élections législatives polonaises - mais... du peuple. Il s'agit en effet d'une initiative citoyenne menée par le comité Stop Avortement (difficile de faire plus clair concernant son objectif).
Ayant recueilli suffisamment de votes parmi les députés, elle a été admise aux travaux parlementaires. La remise en cause de l'avortement est donc vue par une partie du Parlement polonais comme tout à fait envisageable, ou en tout cas, sujette à débat. Presque normale.
La réponse ne s'est pas faite attendre. Le 1er octobre, des milliers de personnes se sont vêtues de noir pour défiler contre cette proposition de loi, dans une manifestation organisée à travers la Pologne par le collectif Sauvons les femmes. Elles ont brandi des panneaux avec des slogans révoltés, et surtout, exaspérés : "Stop aux fanatiques au pouvoir", "On a besoin de soins médicaux, non pas de ceux du Vatican" ou "On veut des médecins, non pas des policiers". Ou encore "Je n'ai pas besoin de sexe, le gouvernement me baise déjà".
Le parti de gauche Razem a même créé un hashtag dédié : #CzarnyProtest ("Czarny" signifie "noir" en polonais), tandis que deux visuels font le tour des Internets. L'un d'eux montre un utérus faisant un doigt d'honneur, avec le slogan "Mon corps, mon choix" (clairement mon préféré), tandis que le second est un profil de femme, appelant les Polonaises à la grève le 3 octobre.
Et il n'y a pas qu'en Pologne qu'on se mobilise. #CzarnyProtest, ainsi que les logos imaginés pour la cause, ont été repris par des internautes en-dehors du pays, de la Russie au Mexique, tandis que des manifestations de soutien ont eu lieu à l'étranger. Cela a notamment été le cas à Paris, dimanche 2 octobre. Le 3, c'était au tour de Berlin et Londres. Mais cette fois, on va au-delà du "simple" soutien. On touche à la solidarité, traduite dans les messages postés sur les réseaux sociaux disant aux Polonaises qu'elles ne sont pas seules. Et ça fait du bien.
Mais allons, pourquoi devrait-on s'emmerder à s'indigner et se mobiliser pour les autres, alors qu'on a déjà suffisamment de chats à fouetter par chez nous ?", me demande Mme Michu, en roulant les yeux au ciel. Eh bien, ma petite madame Michu, je suis désolée de vous le dire, mais il faut qu'on bouge nos fesses. Parce qu'à ce jour, ce sont nos amies polonaises qui sont concernées, mais demain, cela pourrait tout à fait être nous. Ne secouez pas la tête d'un air exaspéré, c'est vrai.
Rien qu'aux États-Unis - pourtant la première puissance mondiale et l'un des viviers du féminisme après la Seconde Guerre mondiale - le droit à l'avortement a été remis en cause ces dernières années, notamment au Texas. Cet État très conservateur avait voté une loi le limitant, entraînant une fermeture de nombreux centres IVG. Elle a été invalidée par la Cour suprême fin juin 2016. Là-bas, l'avortement est légal depuis 1973.
C'est le moment où il faut se tourner vers Simone de Beauvoir. La philosophe et essayiste, auteure du Deuxième Sexe (1949), appelait les femmes "à rester vigilantes [leur] vie durant", car leurs droits ne sont "jamais acquis". Elle a eu à ce sujet une déclaration qui a marqué l'Histoire, et que je vous mets en gros pour que vous ne la loupiez pas (je vous recommande même de l'accrocher au-dessus de votre bureau) :
N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question
Simone de Beauvoir
Simone de Beauvoir ne croyait pas si bien dire. En France, l'IVG a été légalisée en 1974 avec la loi Veil. Mais elle n'est pas acquise. Rappelez-vous de l'une des polémiques du début de l'été : l'apparition des Survivants, groupe de zombies nouveaux-nés de la mouvance anti-IVG, qui sortent des statistiques de leur chapeau et assurent qu'ils "sentent" et "souffrent" de l'absence de tous les foetus avortés (même le gamin de The Shining, qui voit des morts partout, me paraît moins fou). Sur Internet, le gouvernement bataille de plus en plus fort contre les sites-avortement jouant avec les codes de la culture Web pour exister.
Vous voulez une autre preuve ? Fin septembre, deux lycéennes ont signalé qu'un manuel de "bioéthique" anti-avortement et anti-euthanasie a été distribué dans des établissements privés. Il a été édité par la Fondation Lejeune, association dont la communication est assurée par... la présidente de la Manif pour tous. Décidément très coriaces.
Toujours pas impressionné(e)s ? Autre rappel qui fait mal : en 2014, 7 députés français ont voté contre une proposition de résolution symbolique réaffirmant le droit fondatemental au recours à l'IVG, pour fêter les 40 ans de la loi Veil. Sans compter le discours ambiant qui présente les femmes ayant recours à l'avortement comme des personnes insensibles. Non, l'avortement, c'est comme du gâteau au chocolat.
Si ces différentes initiatives semblent plus faire parler d'elles dans les médias qu'elles ne mobilisent réellement, elles sont en tout cas symptomatiques d'un climat poisseux vis-à-vis des droits des femmes, en France et ailleurs. L'arrivée de l'élection présidentielle et les tensions qui vont avec ne risquent pas d'améliorer les choses. Il ne faut bien sûr pas voir tout en noir. En 2015, l'Assemblée nationale a voté la suppression du délai de réflexion, autorisé la pratique de l'IVG médicamenteuse aux sages-femmes, et l'IVG est remboursée à 100% depuis le 1er avril. Mais comme le dit Simone de Beauvoir : il faut rester prudente. Et puis, si on commence à s'en prendre à l'IVG, c'est un autre droit fondamental qui peut se voir menacé par la suite.
Poussons donc le cynisme jusqu'au bout en donnant un petit coup de main à tous ces messieurs-dames élu(e)s ou "simples" citoyens conservateurs. Si, un soir d'ennui, ils se demandent ce qu'ils pourraient bien essayer de soutirer aux femmes une fois de plus, voici quelques suggestions. Votez ! (Enfin, tant que vous le pouvez encore.)
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