Voilà une décision de la Fédération international d'athlétisme (IAAF) qui a failli passer inaperçu, mais qui lève des questions éthiques importantes, voire stratégiques. Sebastian Coe, président de l'IAAF, a présenté les nouvelles règles d'éligibilité aux compétitions de sprint et demi-fond féminins, et parmi les critères, on constate la nouvelle réglementation sur la question de l'hyperandrogénie.
Les athlètes hyperandrogynes, qui sécrètent naturellement un taux élevé de testostérone, seront désormais "genrées" à travers leur taux d'hormones dans l'organisme. Un changement radical qui peut exclure des athlètes féminines de leurs compétitions actuelles. Cette position de l'IAAF se rapproche de celle du Comité international olympique (CIO).
"En début d’année, ils ont donné une conférence pour expliquer qu’en Allemagne, un troisième sexe venait d’être légalement créé, que cela existait dans une dizaine de pays, donc l’IAAF et le CIO veulent faire la même chose", énonce dans Le Monde Pierre-Jean Vazel, entraîneur d’athlétisme, qui a travaillé sur la question.
Elles ne sont pas malades
Pierre-Jean Vazel, entraîneur d’athlétisme
"Dans ces travaux, l’IAAF parle de femmes DSD (differences of sexual developpement), qui présentent un taux de testostérone supérieur à 5 nmol/L, au lieu de 10 nmol/L auparavant, depuis un précédent règlement qui datait de 2011", indique l'entraîneur.
"Il faut savoir que 10, c’est la limite inférieure normale chez un homme. En dessous, on autorise, par exemple, un sportif à prendre une AUT (autorisations d’usage thérapeutique), car cela représente un risque pour la santé", tient à préciser Pierre-Jean Vazel. Ainsi, si le taux maximal est atteint, les athlètes féminines seront priées d'aller concourir avec les hommes, ou de recourir à un traitement hormonal afin d'entrer dans les standards de la fédération.
"Baisser ce taux pour pouvoir participer à des compétitions ne s’impose pas d’un point de vue médical – elles ne sont pas malades – et plus encore, cela les met en danger, car une vingtaine d’effets indésirables sont recensés et cela provoque de manière anticipée une sorte de ménopause", s'alarme l'entraîneur.
Dans le viseur d'une telle mesure, on trouve une athlète qui règne sur le 800 mètres féminin, la sud-africaine Caster Semenya. L'allure physique de la coureuse a posé question et soulevé des doutes quant à un éventuel dopage. "Non, comme c’est génétique, pas exogène, ce n’est pas du dopage", tranche pour BFMTV Carole Maître, médecin du sport et gynécologue à l'Insep (Institut national du sport et de la performance).
Néanmoins, elle trouve la décision de l'IAAF courageuse. "Ça sélectionne forcément : quand on est junior et qu’on a de telles performances, on se retrouve plus facilement au haut niveau. Ce n’est pas seulement parce qu’elles l’ont décidé, c’est aussi parce qu’on les a choisies grâce à ces performances sans forcément savoir que c’était lié à ça", explique-t-elle.
"Les études ont montré un gain de performance pour les personnes atteintes de DSD, donc il y avait une perte de l'égalité, une perturbation de l’analyse des résultats", plaide le docteur Maître. "On oublie aussi de rappeler que toutes les femmes hyperandrogynes ne bénéficient pas de qualités physiques exceptionnelles", conteste néanmoins Pierre-Jean Vazel.
Et de citer la sprinteuse indienne Dutee Chand, qui avait fait retoquer la norme de 10 nmol/l par le Tribunal arbitral du sport en 2015. Une athlète dont les performances sont largement en-dessous du top niveau mondial malgré un DSD.
Mais l'IAAF revient à la charge après avoir fait travailler ses scientifiques sur le sujet. Ce qui soulève également des problème éthiques, et celui du secret médical inhérent à ce genre de cas. "Comment peut-on se demander publiquement si Semenya est un homme ou une femme ? Toutes ces athlètes dans le collimateur de l’IAAF se considèrent femme, et non pas comme intersexe", s'emporte Pierre-Jean Vazel.
"Les femmes progressent mais ne sont pas en train de rattraper les hommes. Le seul problème de Caster Semenya c’est d’être une femme qui sort des critères normatifs de la féminité", s'insurge sur BFMTV Anaïs Bohuon, maître de conférences HDR à l’UFR-Staps de Paris-Sud. "À nouveau, il est question de réguler un avantage naturel", explique-t-elle.
La spécialiste pointe du doigt dans un cas extrême la possibilité de pénaliser à leur époque Usain Bolt ou Michael Phelps, dotés de qualités au-dessus de la moyenne. Mais ils semble qu'elles soient dans la norme. À voir désormais si cette nouvelle réglementation survivrait à une contestation d'athlètes devant la justice sportive.
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