Ce lundi, nous parlons de Jean-Claude, un enfant de la Creuse. Une dénomination qui n'a strictement rien à voir avec son lieu de naissance puisque l'homme qui fêtera cette année ses 70 ans est né à la Réunion.
Il a déjà 16 ans, lorsqu'il arrive à Guéret et ce n'est pas pour une vie meilleure, loin de là. Pourtant, l'adolescent a son certificat d'études en poche, il a travaillé comme apprenti coiffeur sur son île natale puis comme tailleur de costumes. La vie semblait enfin sourire à celui qui n'a jamais connu ses parents biologiques.
On lui a dit que c'était une chance de partir en métropole pour suivre de meilleures études.
Il ne se doutait pas de ce qui l'attendait. Jean-Claude se retrouve dans un foyer rempli d'enfants réunionnais qui dorment dans les couloirs.
Un mois plus tard, un paysan vient le cherche sans qu'il ait son mot à dire. Pendant sept ans il va vivre dans des conditions pitoyables. Il ne fait que travailler : "je n'ai le temps de manger ni de me reposer, je suis je suis traité comme un petit nègre (...) comme si j'étais en esclavage."
Nous parlons d'enfants, nous parlons de la France et nous parlons surtout d'une époque pas si lointaine. Ce déracinement, plus de 2.000 mineurs réunionnais en ont été victimes entre 1962 et 1984. Libération revient ce lundi sur l'histoire de Jean-Claude, mais aussi sur celle de Valérie, Josian, Maryse ou encore Daisy.
Tous des enfants de la Creuse. On les appelle comme ça parce que ce département a été celui qui a reçu le plus grand nombre de jeunes, mais en réalité ces derniers ont été envoyés un peu partout en France. Une solution selon le pouvoir, pour repeupler les zones rurales, alors que la réunion elle connait une explosion démographique.
Quand ils sont choisis sur l'île pour un aller simple vers la métropole, ce n'est pas au hasard. Ils vivent souvent dans des foyers, des familles d'accueil, leur enfance est déjà cabossée. Ils vont en plus être arrachés à leur environnement, parfois même de leurs frères et sœurs.
À peine un pied sur le tarmac d'Orly, ils sont tous considérés comme orphelins et certains se voient même attribuer une nouvelle identité. Autrement dit la France a délibérément volé l'enfance de ces réunionnais. Et pour faire reconnaitre ce scandale d'état, cela prend du temps beaucoup trop de temps.
Entre 2016 et 2018, une commission d'information et de recherches a écumé les dossiers d'archives, écouté des dizaines d'histoires et au final établit une liste officielle de ces 2015 enfants avec une petite victoire car celle-ci vient d'être versé aux archives nationales. Mais une fois l'histoire gravée dans le marbre. Que fait-on de ces enfants déracinés ?
"Aux yeux de certains familiers de ce sujet si sensibles" écrit notre consœur, Lola Breton, "les autorités jouent la montre". Le temps passe, les exilés trépassent. Et pourtant Jean-Claude attend beaucoup. Il n'est pas le seul. Paris doit demander pardon. "Moi, je n'ai pas été battu, ni violé mais je crois que je le mérite. Je suis une victime de l'histoire".
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