Ce mardi, "enquêtes de moralité" dans l’Express. Vous vous souvenez de cette interview de DSK venu battre sa coulpe au 20h après l’affaire du Sofitel. Depuis, le mouvement #MeToo est passé par là, et aujourd’hui, les comportements inappropriés, c’est la hantise des recruteurs, qui tentent de se rencarder avant l’embauche, quitte à flirter avec la légalité.
L’enquête de moralité, on l’a envisagé à Sciences Po au moment de remplacer Olivier Duhamel. Finalement, on a pris une femme, Laurence Bertrand-Dorléac. Mais bon, le principe est posé : il faut de “l'exigence déontologique”. Reste à savoir comment y parvenir. Et ce n’est pas si simple. On peut difficilement poser des questions intimes à un candidat, et encore moins interroger son entourage.
Alors les entreprises rusent. Avec des questions détournées, par exemple “sur quels critères faites-vous évoluer un homme ou une femme dans votre équipe?”. Les réponses ne sont pas toujours politiquement correctes. Il y a aussi les réseaux sociaux. Les postulants ont beau prendre des précautions, on y trouve toujours quelque chose, et le moindre soupçon est éliminatoire.
Et puis bien sûr, on peut se renseigner auprès d’anciens employeurs. "Si je m’y prends bien, je peux leur faire avouer que le postulant est galant, et donc possiblement insistant", dit un recruteur. Tout devient suspect. Récemment, un recruteur a appris qu’un candidat avait eu deux aventures au boulot. Aucune plainte, pas de harcèlement, mais il a préféré laisser tomber. Officiellement, le candidat n’était “pas apte au poste”.
Parfois, pourtant, on se heurte à une forme d’omerta. Dans ce cas, il y a la méthode informelle. Lors d’un dîner chez des amis, un chasseur de têtes croise un chef d’entreprise, il l’interroge sur le départ d’un de ses cadres : "tiens, et pourquoi?". En apparence, c’est juste une conversation entre gens de bonne compagnie. En fait, c’est illégal. Normalement, il y a une obligation de confidentialité.
Dans certains secteurs comme l’hôtellerie ou la grande distribution, on fait carrément appel à des détectives privés. "Avant, on était la brigade des cocus et des problèmes familiaux", dit un pro. "Aujourd’hui, on est sur des affaires civiles et commerciales, surtout de la vérification de CV".
Pour 40 euros de l’heure, ces fins limiers vérifient que tel candidat a bien travaillé au bout du monde, ou plus délicat, ils enquêtent sur les antécédents d’un futur dirigeant de club de vacances qui sera en contact avec des enfants. Là, on est en terrain glissant. Pour avoir accès à un casier judiciaire, il faut faire appel à des officines proches de la police. On appelle ça la "tricoche", et c’est absolument illégal, on l’a vu récemment dans l’affaire Ikea.
L’enquête devient obligatoire quand un salarié est accusé de harcèlement. C’est la loi, depuis deux ans. C’est cher, entre 300 et 500 la journée pendant deux mois au moins. Alors les grands groupes préfèrent mettre en place des cellules d’enquête internes. Sauf que personne n’est vraiment formé pour ce genre de mission. Comment enquêter sur un collègue? sur quels critères?
C’est encore plus compliqué dans les entreprises internationales, parce que "l’acceptable" varie d’un pays à l’autre. Un DRH se souvient par exemple d’une plainte contre un salarié français. "Pendant un séminaire dans une filiale dirigée par un Américain, il avait proposé à une femme de boire un verre avec lui, et il avait insisté. L’Américain nous a dit qu’il ne voulait plus jamais le voir. Mais en France, nos juristes disaient que, si on le licenciait, il gagnerait aux prud’hommes. Je lui ai passé un savon", raconte-t-il.
Les DRH ne veulent pas tomber dans les excès à l’américaine. Ils savent aussi que certains de leurs confrères utilisent ces dossiers délicats pour se débarrasser l’air de rien de certains cadres trop chers ou trop âgés. Bref les enquêtes de moralité ne sont pas forcément très morales.
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