La foire aux idées les plus saugrenues bat son plein. Dernière trouvaille en date, autoriser les stations-services à revendre l’essence à perte, c’est-à-dire moins cher qu’elle n’a coûté. Une pratique en principe interdite par une loi de 1963, loi qui avait pour but d’éviter que les gros n’écrasent les petits par des promotions excessives. La loi de 1963 va donc être modifiée. Le gouvernement voit le cours du baril qui ne cesse de grimper, et avec lui le tarif du litre de carburant. Il a battu les buissons, il n’y a plus personne pour diminuer les taxes, comme il l’avait fait en 2022.
Il a donc ciblé d’abord TotalEnergies, pour que le pétrolier prolonge le plafond d’1 euro 99 qu’il applique dans ses stations. Voilà le deuxième étage de la fusée : les distributeurs. Leclerc, Système U ou les Mousquetaires, qui vendent parfois le carburant à prix coûtant, comme un produit d’appel pour l’alimentaire, sur lequel la grande distribution fait des marges et qui, selon la Première ministre, pourraient désormais vendre à perte, et se rattraper ailleurs. Le tout, avec une ignorance complète de l’économie et du marché.
Un député de la majorité, emporté par le zèle, hier matin, sur une radio concurrente, annonçait jusqu’à 47 centimes de baisse sur le litre de carburant. Du délire. Les chances pour que cela se fasse semblent minces. Comment imaginer que la grande distribution va perdre de l’argent sur l’essence alors qu’elle est déjà sous pression sur l’alimentaire ? Alors que les volumes ne sont plus si conséquents, puisque les Français surveillent leur propre consommation ? Alors que le prix de l’énergie a doublé pour les exploitants de grande surface ? J’ajoute que cela aurait des effets pervers regrettables.
Cela tuerait tout bonnement les quelques milliers de stations-services indépendantes qui subsistent, et qui n’ont guère les moyens de baisser les prix en dessous du prix de revient. Car leur marge est déjà faible. Inutile de dire que ces stations, plutôt en zone rurale, ont déjà été essorées par les promotions à répétition du réseau TotalEnergies. Sur les 11 000 stations françaises, la moitié sont des indépendantes, et leur nombre a déjà été divisé par sept depuis 1980, selon l’association 40 millions d’automobilistes. Jusqu’ici, la loi de 1963 interdisait de conserver le prix psychologique de 1 euros 99, si le seuil de revente à perte était enfoncé. On avait donc parfois des prix comme 2, 01 ou 2,02 euros. L’assouplissement du seuil permettrait, dans ces cas limite, de rester en dessous de deux euros.