Même nos parents n'ont pas connu de telles pénuries pendant les Trente Glorieuses. Selon Dominique Schelcher, le patron du groupe de distribution Système U, la situation dans les hypermarchés est sans précédent depuis au moins cinquante ans. La société d’étude Nielsen évalue les ruptures à près de 6% des références disponibles. Le patron de système U, lui, parle de 10 à 12% !
Outre la moutarde, la liste de produits manquants dans nos supermarchés est impressionnante. Au niveau des assaisonnements, la vinaigrette, la mayonnaise et la sauce soja manquent dans les rayons. Les eaux plates et gazeuses sont moins présentes dans les rayons. Les masques et les cotons tiges connaissent aussi une pénurie. Les récoltes de petits poids et de haricots ont faibli à cause de la sécheresse, idem pour les flageolets, à 50% de la production habituelle.
Du coup, la filière de la conserverie et celle des plats préparés menacent de ne plus pouvoir produire. On craint aussi une pénurie de riz et de pommes de terre. Quant à la viande, alerte également, le cheptel a diminué de 10% en cinq ans, et la tendance s’accentue à cause du manque de fourrage causé par la sécheresse. On manque aussi de jambon et de saucisses, la charcuterie et le fromage seraient les prochains produits à faire défaut.
C'est le résultat d'un incroyable concours de circonstances. Les perturbations climatiques, bien sûr, ont pénalisé les récoltes. La facture de gaz et d’électricité explose, imposant aux producteurs de renoncer aux fabrications les plus énergivores, dans le fromage par exemple, ou à réduire leur gamme.
Le cours élevé des céréales détourne les agriculteurs de la production de légumes et de volailles au profit du maïs ou du blé. Les pénuries de main d’œuvre provoquent un manque d’ouvriers dans les abattoirs et la raréfaction des chauffeurs routiers, pour le transport de marchandises.
La pénurie de produits d’emballage, comme le verre et le carton, freine les lignes de production. Les industriels et la grande distribution se livrent à un bras de fer. La grande distribution refuse les fortes augmentations de tarifs, au risque de ne plus être livrée pour certaines références.
Les causes sont multiples et s'entretiennent mutuellement. On n’est donc pas près de voir la fin de ces pénuries. Nous redécouvrons les contraintes de la production physique, après des années, des décennies de négligence, car tout était substituable grâce aux importations et à l’ouverture des frontières.
Or, lorsque tous les pays subissent en même temps les mêmes problèmes, il n’y a pas de solution de rechange, c’est chacun pour soi. Une réorganisation des filières nationales, avec en tête l'objectif de l'auto-suffisance, est nécessaire. Comme lors de la création de la politique agricole commune, au début des années 1960. C'est la fin de l'abondance, annonçait Emmanuel Macron il y a quelques semaines. Ce n'était pas seulement une formule, ça commence dans nos supermarchés.
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