Figure du patronat industriel français, Didier Pineau-Valencienne (également appelé DPV) est décédé jeudi 19 décembre à l'âge de 93 ans, après avoir transformé radicalement le groupe Schneider qu'il avait dirigé pendant 18 ans, avec une réputation parfois sulfureuse de capitaliste de choc.
Atteint par la limite d'âge, il avait cédé en 1999 les rênes du groupe d'équipements électriques. Une messe sera célébrée mardi 24 décembre à Boulogne-Billancourt, près de Paris, alors que son inhumation aura lieu vendredi en Vendée, selon l'avis de décès publié par sa famille dans Le Figaro.
Né le 21 mars 1931 dans une famille de médecins vendéens, Didier Pineau-Valencienne a vite su qu'il ne suivrait pas cette voie. "Mon père m'a dit que je n'avais pas les qualités. J'ai pris la leçon, et faut autre chose." Ce sera les affaires. Après le lycée Janson de Sailly à Paris, il intègre HEC, puis la business school du Dartmouth College aux États-Unis, incursion américaine alors peu commune.
Passionné de poésie, il est entré chez Gallimard, où il croise André Malraux et Albert Camus. Mais le monde de l'édition est trop étroit pour lui. En 1958, il a intégré le groupe franco-belge Empain-Scheider. Il y a dirigé des filiales en difficulté, avant de rejoindre en 1973 Rhône-Poulenc, où il a peaufiné son image de redresseur d'entreprises sous l'autorité de Jean Gandois, futur patron des patrons.
De retour chez Schneider en 1981, à la présidence, il a recentré sur les métiers de l'électricité cette entreprise créée 45 ans plus tôt par les frères Schneider et devenue un conglomérat hétéroclite de 150 sociétés. La sidérurgie et les chantiers navals ont été vendus, tout comme l'emballage, la machine-outil, les activités sports et loisirs, la téléphonie, l'immobilier... "Du Scheider de 1981, il ne reste plus rien, sauf le nom", disait-il.
En 1984, "DPV la casse" - un sobriquet - n'a pu éviter la liquidation retentissante de Creusot-Loire, plus grande faillite de l'industrie française, touchant près de 30.000 salariés.
D'encombrants surnoms ont fleuri pour décrire ce patron à l'allure ronde, mais porte-drapeau d'un capitalisme pur et dur : "fossoyeur", "boucher", "raider sans scrupules"... Dans ses mémoires, le baron Empain l'a comparé à "un docteur Attila sanguinaire qui n'hésitait pas à faire saigner et pleurer pour remettre une société sur pied".
En 1988, il a repris le groupe grenoblois Télémécanique avant de le fusionner avec sa filiale Merlin Gerin. Son effigie a été brûlée par des salariés mécontents.
Autre bataille : l'OPA hostile en 1991 sur l'électricien américain Square D. "Il fallut une volonté de fer", s'est souvenu pour l'AFP Gaël de la Rochère, un de ses collaborateurs. "GE, alors premier concurrent mondial, s'est dressé contre Schneider, ça a été dur. Jack Welch (alors à la tête de General Electric, Ndlr), c'était le patron emblématique du monde à cette époque."
L'opération a ouverte à Scheider les portes des États-Unis. Le Nouvel Économiste élit DPV "manager de l'année 1991". En 18 ans, le chiffre d'affaires a été multiplié par 17, le groupe désendetter. "On doit à DPV le nettoyage du conglomérat laissé par l'aventure familiale", a dit à l'AFP Jean-Pascal Tricoire, PDG actuel de Scheider Electric. "Il fallait ce courage, dans des années 80 pas très favorables aux restructurations : on était plutôt en train de tout nationaliser ! Ce n'était pas facile d'affronter les politiques, les médias."
"Il connaissait peu le secteur, mais a eu l'intelligence de travailler avec Jean Vaujany, patron de Merlin Gerin, un grand industriel", a ajouté ce dernier. Et de souligner : "DPV a incarné l'atterrissage de sociétés techniques dans la finance. C'était l'homme du capitalisme, des fusions-acquisitions... un grand financier. Sans cette époque, le Scheider d'aujourd'hui n'existerait pas."
Mais en 1994, Didier Pineau-Valencienne a été inculpé pour irrégularités présumées dans la gestion de filiales belges. Interrogé à Bruxelles, il est incarcéré 12 jours. L'événement a marqué le milieu patronal et a tendu les relations diplomatiques franco-belges.
Ce père de quatre enfants, catholique pratiquant, fera une dernière fois les gros titres en 2006, à 75 ans, avec le procès de l'affaire belge. Il a été reconnu coupable, mais pas condamné en raison notamment de l'ancienneté des faits.
Début 2020, il était apparu alerte et souriant, sur des plateaux de télévision, pour un livre consacré à son amour de la lecture. Avec Gaël de la Rochère, il avait investi dans une société d'équipements électriques Comeca, "très assidu aux conseils", à 90 ans passés.
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