"Choquant" et "inquiétant". Le 12 septembre dernier, les associations féministes ont été prises de court par la publication au Journal Officiel d'une loi instaurant un nouveau type de consultations médicales : les consultations "à fort enjeu de santé publique", dites "consultations complexes".
À partir du 1er novembre, les jeunes femmes âgées de 15 à 18 ans souhaitant se voir prescrire une pilule contraceptive ou se renseigner sur les maladies sexuellement transmissibles (MST) devront s'acquitter de 46 euros, contre 23 actuellement.
"C'est un coup dur", déplore Fatima Benomar, jointe par Girls. Co-fondatrice de l'association féministe Effronté-e-s, elle dénonce une "discrimination vis-à-vis des femmes". Un point de vue partagé par Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole de l'association Osez le Féminisme! jointe également par Girls. "C'est contraire à tout ce que l'on réclame : une médecine universelle sans discrimination !" s'indigne-t-elle.
À l'origine de cette "surprise" : la convention signée discrètement entre l'assurance maladie et les médecins libéraux au printemps 2016. "Nous n'avons pas eu vent de ces consultations complexes avant, c’est d’autant plus révélateur d’une certaine stratégie", ironise Raphaëlle Rémy-Leleu.
"Tout cela prouve qu'on a une médecine véritablement masculine avec deux dynamiques : une individualisation des soins et une précarisation des femmes", dénonce la porte-parole d'Osez le féminisme!. Selon elle, l'inscription des consultations de contraception et prévention des MST dans le cadre des consultations complexes crée une "forme d'inégalité".
Les jeunes hommes sont eux totalement exemptés de ces consultations complexes, y compris en ce qui concerne la prévention des MST. "Le tarif des consultations de prévention sera plus élevé pour les jeunes filles... et pour les garçons qui veulent aussi se renseigner ?" interroge Raphaëlle Rémy-Leleu. "Il y a une inégalités face à l’accès aux soins, c’est une violence à la fois économique et médicale", résume-t-elle.
Avec l'augmentation du prix de la consultation pour une prescription de pilule contraceptive, les jeunes femmes se heurtent à un obstacle financier. "L'Assurance maladie essaie de rassurer en disant que les consultations seront remboursées à 100% mais toutes les femmes ne peuvent pas avancer 46 euros", explique Raphaëlle Rémy-Leleu.
"La carte vitale est donnée automatiquement à 16 ans, donc à 15 c'est difficile de se faire rembourser", ajoute Fatima Benomar de l'association féministe "Effronté-e-s". "Plus que la stigmatisation sociale, c’est quelque chose qui va handicaper les jeunes femmes", résume-t-elle. L'anonymat des patientes sera également moins protégé puisque jusqu'à 18 ans, les enfants sont rattachés à la sécurité sociale de leurs parents.
"C’est déjà difficile pour une fille de quinze ans qui essaie de cacher sa vie sexuelle à sa famille de se rendre chez le médecin, et encore plus si c’est une famille qui n’est pas très progressiste", regrette Fatima Benomar.
Les plannings familiaux proposent des consultations anonymes et gratuites, rappellent les associations. "Mais ils sont davantage présents dans les grandes villes", soupire la co-fondatrice d'Effronté-e-s. Un obstacle de plus pour certaines jeunes femmes.
"On espère que le gouvernement organisera une campagne de sensibilisation pour insister sur le fait que les consultations seront entièrement remboursées", signifie Fatima Benomar. "Pour le moment nous sommes dans une grande inquiétude". Les "Effronté-e-s" ont d'ores-et-déjà prévu des réunions avec le planning familial pour décider de la stratégie à adopter : miser sur l'information ou "faire des contre-propositions".
Le gouvernement ne s'est pas encore exprimé sur le sujet et le problème est difficile à régler pour les associations. Faut-il interpeller le ministère ? L'assurance maladie ? Les médecins ? "On ne sait pas quel bout tirer", déplore Raphaëlle Rémy Leleu.
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