"Plus aucun coup de fil du jour au lendemain" : concerts déprogrammés, contrats rompus... Les artistes juifs face au boycott

Concerts annulés, contrats rompus : monter sur scène devient de plus en plus difficile pour de nombreux artistes, victimes de boycott. "Depuis le 7 octobre 2023, on ne me propose plus aucun contrat. Plus aucun coup de fil du jour au lendemain", raconte Lisa Spada, chanteuse de soul. "J'ai même perdu la moitié de mes followers sur les réseaux sociaux quand j'ai appelé à la libération des otages. Je n'ai plus que des artistes juifs dans mon réseau", poursuit celle qui a 20 ans d'expérience dans le métier. 

Le cas de Lisa Spada n'est pas isolé. Une trentaine d'artistes français de confession juive ont lancé une pétition pour appeler à la fin du boycott. Parmi eux, David Konopnicki. Les morceaux de ce guitariste et de son groupe AutorYno s'inspirent de la musique klezmer, celle des juifs ashkénazes, originaires d'Europe de l'Est. 

On m'a répondu, "je ne fais plus les concerts de juifs, ça coûte 4 fois plus cher en sécurité".

David Konopnicki, guitariste

"J'ai essayé de démarcher des salles il y a quelques mois pour fêter les 15 ans de mon groupe, impossible !", se désole ce petit-fils de rescapé de la Shoah. "On m'a répondu 'tu sais David, les juifs ça me coûte 4 fois plus cher en sécurité, c'est compliqué'. On m'a aussi dit que la musique juive comme le Klezmer, ce n'était pas possible en ce moment dans le 18ème arrondissement de Paris". 
David Konopnicki dénonce un climat haineux, où les propos antisémites se sont banalisés autour des salles de concert. "Des passants nous lancent parfois 'Bon concert les youpins' parce qu'ils voient un nom à consonnance juive sur l'affiche", s'indigne le guitariste de 43 ans. "Quand j'étais jeune c'était les kippas et les keffiehs ensemble. Arabes, juifs, on était tous potes. Il y a un truc qui a merdé. Mais je reste combattif, je ne vais pas raser les murs. Je suis fier d'être juif et Français". 

Des carrières mises entre parenthèses

Théo Aboukrat alias ArtDéco est un jeune chanteur pop rock.150 concerts en 3 ans, une signature avec un label de renom : son ascension est fulgurante. Mais Théo déchante très vite. Au printemps dernier, il signe un contrat avec une agence, chargée d'organiser ses concerts. Pour sa première date, il doit partager l'affiche avec un autre artiste. 

"Quelques jours avant le concert, il a décidé de tout annuler. Ma judéité posait visiblement problème, tout comme mon soutien supposé au génocide. J'ai bondi au plafond. Je suis pacifiste et universaliste, je n'ai pas compris. Quand j'ai essayé de me défendre on m'a menacé de me couler dans le métier", raconte l'artiste de 32 ans. L'agence décide alors de rompre son contrat. La tournée, 1 an de concerts, tout est annulé. 

"Pour eux c'était trop risqué financièrement et en termes de réputation si c'était sujet au boycott. Le racisme est tellement loin de mon éducation, de mes valeurs, je n'ai pas compris au début. Mon manager m'a dit que j'étais victime d'antisémitisme, j'ai commencé à réaliser". 

Théo Aboukrat a aujourd'hui beaucoup de mal à trouver des salles où il peut se produire. Il va remonter sur scène dans un mois en région parisienne. L'agence mise en cause par le chanteur n'a pas répondu à nos sollicitations. "J'ai aussi été visé par un média en ligne qui a posté ma photo suivie du slogan 'les gens comme lui on leur dit Free Palestine' en story. Je n'ai pas compris pourquoi", poursuit l'artiste. 

Nous avons échangé par message avec les équipes de la Face B, ce média spécialisé dans la musique en ligne. Elles réfutent ces accusations. "La Face B ne pratique aucunement le boycott et ne s'intéresse pas aux confessions religieuses des artistes". Sans préciser si une telle photo avait été ou non publiée sur leur compte.

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