Gros plan sur ces jeunes pris dans l'engrenage des paris sportifs, les 18-24 ans, c'est plus du tiers des parieurs. Cela a explosé avec la Coupe du monde 2018 et l'avènement des paris en ligne. C'est Le Figaro qui s'est penché sur le phénomène.
Un phénomène porté, c'est évident, par la pub. Dans ce spot Winamax, grâce à son gain, un jeune casquette à l'envers devient le roi de sa cité, il est porté en triomphe, tout le monde s'agenouille devant lui, les femmes lui sourient. Un kiff XXL. L'univers est le même chez les concurrents. Unibet s'offre Mbappé et Neymar. Betclic mise sur les rappeurs Fianso et Gradur, chez ParionsSport c'est Hatik et même le PMU est allé chercher un youtubeur.
La cible, ce sont toujours les jeunes urbains, les banlieues et c'est bien ce qui inquiète Isabelle Falque-Pierrotin, la présidente de l’Autorité nationale des jeux. Car on le sait les joueurs à risque sont majoritairement des hommes, jeunes, ils appartiennent à des milieux sociaux modestes et ils ont un niveau d’éducation et des revenus inférieurs à ceux des autres joueurs, c'est ce que constate notamment l'Observatoire Français des Drogues.
Demandez donc à Ilyas. Il a 23 ans, il vit dans l'agglomération lyonnaise et depuis ses 18 ans il travaille dans une grande entreprise publique. Un jeune homme plutôt raisonnable, près de ses sous même. Et c'est comme ça qu'il s'était constitué un beau bas de laine. Il a tout perdu. 22.000 euros. Au départ, c'était seulement des paris sur les matches de foot. Et puis à force de pub, de sollicitations des applis mobiles. Il en est venu à miser des salaires entiers sur des sports qu'il ne maîtrise même pas, de son propre aveu. "On n’est pas fous ou pas intelligents, dit-il, c’est vraiment une maladie à part entière."
Cet emballement, c'est le symptôme de la dépendance. "En ce moment, dit un psychiatre, les gens ont des difficultés par rapport à leurs dépenses. L’angoisse et le stress les poussent à jouer encore plus en pensant que ce sera la solution : c’est l’entrée dans une spirale qui peut être dévastatrice." Une dépendance qui commence de plus en plus en tôt. Les opérateurs sont très présents sur Snapchat et TikTok, les réseaux des ados. Autant dire que certains n'attendent pas d'avoir 18 ans pour parier. Pol qui est étudiant en Moselle raconte qu'il a commencé à 15 ans. A l'époque il joue dans les bureaux de tabac, il parie sur un peu tout, foot, tennis, basket.
Il y perd tout son argent de poche, puis, il l'avoue, "de l’argent qui n’était pas à lui." "Les buralistes ne contrôlaient rien", dit-il. Les applications, elles, contrôlent strictement les identités. Mais le jour exact de sa majorité, Pol s'est inscrit. Et là il est devenu complètement accro, il y a laissé près de 3000 euros en tout. Depuis, grâce à la procédure d'auto-exclusion, il est officiellement banni de tous les sites, et il en est ravi.
Bien sûr l'autorité des Jeux tente de réguler tout ça. Elle encadre les campagnes de communication, elle fait appel à de gentils youtubeurs qui mettent en garde contre l'addiction au jeu. Et aussi, contre la multiplication des pronostiqueurs professionnels, ceux qu'on appelle les tipsters, car ils donnent des tips, des tuyaux. Ils s’appellent "Billionaire Pronos", "Lebontips", ou "SOSPronostics". Il y en a des milliers, ils se présentent comme des "passionnés" de sport devenus des "experts" en paris sportifs, parfois même comme des "parieurs professionnels".
Et ils étalent leurs gains faramineux sur les réseaux sociaux. Evidemment, les conseils ne sont pas gratuits. Ces tipsters vendent des pass VIP, des abonnements qui coûtent entre 30 et 40 euros par mois. Quelques-uns partagent un vrai savoir, parfois de la data exclusive. Mais selon un spécialiste, il y a 99% d'arnaques. Des gens qui trichent sur leurs performances réelles. Mais qui vendent du rêve en montrant une liasse de billets, une grosse voiture, une Rolex. Le plus souvent, c'est de la location.
Les jeunes et les paris sportifs, enquête à lire ce matin dans le Figaro.