On sent que Noël approche, amis des mots, et j’ai reçu un cadeau un peu en avance, un livre merveilleux pour une amie des mots comme moi : Langues d’ici et d’ailleurs, une compilation par les éditions Bouquins de trois ouvrages cultes de cette grande linguiste à la fois savante et joyeuse, Henriette Walter…
Le premier ouvrage de ce triptyque, La Grande Aventure des langues en Occident, s’ouvre assez naturellement sur la présence du grec ancien dans notre langue, et notamment dans les noms propres. Henriette Walter s’amuse à nous faire deviner une série de prénoms bien de chez nous qui viennent de Grèce.
Tenez, pour commencer, un prénom féminin issu de la "sagesse" grecque… eh oui, c’est Sophie ! Sophie, qui vient donc de sophia, "la sagesse", que l’on retrouve dans la philosophie, la discipline de ceux qui "aiment [philo] la sagesse". Il y a également Philippe, celui qui "aime les chevaux", bâti sur philo, et sur cet hippos qui veut dire "cheval" (comme dans hippodrome).
Une devinette plus difficile : "Avec les mots grecs signifiant dieu et don, on peut retrouver deux prénoms, l’un masculin, l’autre féminin, dont l’un est le verlan de l’autre…" Théodore : fondé sur theos, "dieu", et doros, le "don". Au féminin, et en verlan, ça nous donne Dorothée ! On découvre aussi que Georges a la même racine que la géographie et la géologie, qui évoque la terre. Georges, c’est gê, la terre, et ergon, le travail (que l’on retrouve dans l’ergonomie, par exemple), bref Georges est "celui qui travaille la terre".
Et selon vous, amis des mots, quel prénom féminin évoque la couleur noire, sachant qu’en grec ancien, le noir, c’est melanos… Mélanie, bien sûr ! Et melanos nous a aussi donné la mélanine, ce pigment foncé qui fait qu’on bronze en été (vous vous souvenez de l’été ?), et la mélasse, ce résidu noir de la fabrication du sucre, si gluant qu’être dans la mélasse est devenu un synonyme familier d’être dans la panade ou dans le pétrin.
Il y a aussi Marguerite, qui descend de margarites, qui désignait une "perle" en grec avant de devenir une jolie fleur chez nous, et puis Catherine, dont l’origine est l’adjectif katharos, "pur", qui nous a donné aussi les Cathares, et encore Monique, bâti sur l’adjectif monos, "seul, unique" que l’on retrouve dans monochrome, monocoque, monocorde…
Mais pour faire bonne mesure, sachez que le grec moderne, à son tour, s’est approprié quantité de mots français, notamment dans les domaines de la cuisine et de la mode (cognac, menu, omelette, purée, jambon, mais aussi décolleté, maillot, foulard, soutien-gorge)…
Le comble étant que, dans ce vocabulaire que le grec moderne emprunte à notre langue, on trouve aussi une grande quantité de termes que les savants français avaient inventé en se fondant sur les racines du grec ancien, comme cinématographe, lithographie, thermomètre, néologisme ou téléphone ! Un "juste retour au pays natal", comme le constate Henriette Walter : le français s’inspire du grec, qui s’inspire du français. Les langues se croisent, s’aiment et font des petits. Joli, non ?
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