40 ans après la mort de leur père, deux sœurs retrouvent son sac à dos sur l’Aconcagua

Dans les Andes, au sommet de l’Aconcagua, deux sœurs argentines, Azul et Guadalupe Vieiro, se sont lancées dans une ascension saisissante. En 1985, leur père, Guillermo Vieiro, alpiniste passionné, avait disparu lors d’une expédition sur ce sommet culminant à 6 692 mètres d’altitude. Bien que son corps ait été retrouvé, ses affaires étaient restées perdues jusqu’à l’année dernière, lorsqu’un sac à dos a été repéré, figé dans la glace.

"Le sac à dos, c’était comme un message de mon père", confie Azul, l'une des sœurs. "C’était entendre mon père me dire : ‘Je suis toujours là, j’existe. Et vous n’êtes pas seules.’" Cette découverte inattendue a agi comme un déclencheur. Elle a poussé les deux sœurs à prendre une décision audacieuse : gravir la montagne qui avait emporté leur père, dans l’espoir de retrouver des traces de celui qu’elles n’avaient jamais vraiment connu.

Toutefois, la montagne n’a jamais fait partie de leur héritage familial. Au contraire, Azul et Guadalupe l’ont longtemps haïe, comme un symbole de la perte de leur père. Elle avait laissé en elles un vide difficile à combler. Leur mère, restée ancrée dans un deuil silencieux depuis 40 ans, a refusé d’accepter cette expédition. "Dans ma famille, le mot ‘montagne’ a toujours été interdit", explique Azul. "Nous sommes une famille brisée, hantée par le chagrin et l’absence." Après quatre décennies de souffrance, leur mère ne voulait pas rouvrir les plaies du passé et préférait préserver le vide laissé par Guillermo.

Dix jours de lutte

L’ascension, marquée par des souffrances, des températures glaciales et un effort incessant, a duré dix jours. Dix jours de lutte pour remonter le fil d’une vie brisée, pour redécouvrir une histoire familiale enfouie sous des couches de neige et de temps. À 6.100 mètres d’altitude, les sœurs ont enfin trouvé ce qu’elles étaient venues chercher : le sac à dos de leur père. À l’intérieur, elles ont découvert une veste, un sac de couchage, une gourde, de l'aspirine, des comprimés de vitamine C, des couteaux… mais surtout, deux bobines de film Super 8.

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Lorsqu’elles ont développé les films, c’est le passé qui leur a explosé au visage. Sur la pellicule, leur père apparaît, vivant, souriant, filmant son compagnon d’ascension, Leonardo, lui aussi mort sur la montagne. Les images, pleines de joie et de vie, ont fait revivre un temps révolu. Sur l’une des photos, Guillermo et Leonardo sont bras dessus bras dessous, en chaussures de randonnée et pull de laine, un soleil éclatant en toile de fond. Sur une autre, ils installent leur tente sur la fameuse face Est, celle-là même qui leur a été fatale.

"On a eu un père, il a eu une vie, une histoire"

Azul

Bien que l’ascension ait été éprouvante, elle a permis aux sœurs de renouer avec l’histoire de leur père et de comprendre l’importance de ce passé qu’elles avaient si longtemps ignoré. Ce récit familial trouve une forme symbolique dans un poème qu’Azul a fait tatouer en hommage à son père :

"Demasiado apasionado para esta vida,
mirabas todo el tiempo para arriba,"
"Trop passionné pour cette vie,
tu regardais sans cesse vers le haut."

"Nos dejaste tu cuerpo para soñarte
y llevaste tu alma a donde pertenece"
"Tu nous as laissé ton corps pour que nous puissions te rêver,
et tu as emporté ton âme là où elle appartient."