"Toute la population est sur écoute" : comment Enver Hoxha a tenu l'Albanie d'une main de fer

Ambiance de fête à Tirana en ce 28 novembre 1944. La capitale s'est enfin libérée de l'occupation allemande et l'aigle à deux têtes bat désormais de toutes ses forces sur le drapeau albanais. Au milieu de la grand place, un homme prend la parole sur une scène improvisée. Cet homme, c'est le sauveur du pays. Son nom est écrit en lettres capitales sur des banderoles. Enver Hoxha prononce un long discours rassembleur puis proclame "le gouvernement démocratique d'Albanie". Il est alors acclamé par la foule et ses confrères. Aucun d'entre eux ne se doute du sort que leur réserve ce tout nouveau leader. 

Enver Hoxha vient au monde en 1908 dans une famille musulmane de la petite bourgeoisie. Durant sa scolarité, il étudie dans un lycée, fondé par l’armée française, qui instruit l’élite albanaise. Grâce à une bourse, Hoxha part en France, à Montpellier, pour suivre des études de sciences naturelles. Mais il s’ennuie en cours et quitte l’université. Sans le moindre diplôme en poche, il mène une vie de bohème à Paris et à Bruxelles. À 28 ans, il rentre en Albanie et devient professeur dans l'établissement qui l'a formé. 

Quand la Seconde Guerre mondiale éclate et que l'Albanie est envahie par l'armée de Mussolini puis par la Wehrmacht, Enver Hoxha prend le maquis et participe à la fondation du parti communiste albanais sous la tutelle du maréchal Tito, le puissant chef de la Yougoslavie voisine. En 1945, des élections truquées donnent une très large victoire aux communistes avec 93% des voix. Hoxha, commandant en chef de l'armée et premier secrétaire du parti communiste devient premier ministre. 

Une amitié non réciproque avec Staline

Enver Hoxha met en place un régime totalitaire qui s'appuie sur une redoutable police d’État, la Sigurimi. Toute la population est sur écoute. Un simple propos jugé déplacé peut conduire en prison. La délation est encouragée. Lorsque survient le décès d'un ministre des finances, l'événement est présenté comme un suicide. Il s'agit en réalité d'un meurtre mais l'entourage d'Hoxha le taxe d'espionnage pour les Américains. Le premier ministre s’en prend aussi aux religions. Des dizaines de membres du clergé catholique sont assassinés. Un archevêque meurt en cellule après avoir été torturé.

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Enver Hoxha est également un nationaliste pur et dur. Il refuse que l’Albanie soit absorbée par la Yougoslavie au moment où la fusion entre les deux pays est imminente. Les relations diplomatiques sont rompues avec Tito qu’Hoxha qualifie de "maréchal des traîtres". En revanche, le chef d'État est fasciné par Staline. Il le rencontre pour obtenir de l’argent. Mais le maître du Kremlin méprise l’Albanie et souhaite que le pays soit dévoré par la Yougoslavie pour mieux l’avaler lui-même après. Malgré cela, le dictateur albanais vouera toute sa vie un culte à Staline et niera par la suite ses crimes. 

Le chef d'État vire complètement paranoïaque. Il est convaincu que les Américains, la Yougoslavie et l’URSS préparent une coalition pour le faire chuter.  L’Albanie s’isole donc du reste du monde et alors que la population a faim et manque de tout, un tiers du budget est consacré à la Défense. Près de 173.000 bunkers sont construits dans tout le pays. Au début des années 1980, Enver Hoxha tient toujours fermement le pouvoir. De nombreux ministres opposés à l'autarcie de l'Albanie ont été éliminés. Mais le dictateur va être trahi par santé. Il est atteint de diabète et a eu deux crises cardiaques. Hoxha est contraint au repos dans sa villa de Tirana. C'est là-bas qu'il s'éteindra en 1985, à l'âge de 76 ans. 

>> Les Salauds de l'Histoire. À travers un récit long format, Vincent Parizot retrace, toutes les semaines, la vie et les crimes d'un salaud de l'Histoire. Une collection spéciale de notre émission phare Entrez dans l'Histoire.