Tomas de Torquemada : qui était ce grand inquisiteur fanatique ayant inspiré Victor Hugo pour une pièce de théâtre ?

Direction l’Espagne de la fin du XVème siècle, à la rencontre d’un homme d’Église aussi redoutable qu’impitoyable. Il a inspiré une pièce de théâtre à Victor Hugo qui porte son nom : Tomas de Torquemada. 

Froid, sadique, fanatique et manipulateur, il traque pendant presque 20 ans les juifs, surtout ceux convertis au christianisme. Au nom de Dieu, l’inquisiteur torture. À ses yeux, tout le monde est suspect, même un chrétien qui n’a pêché qu’une fois. Tout le monde peut donc être considéré comme un hérétique et finir dans ses griffes. 

Avant d'exercer son pouvoir diabolique sur toute l'Espagne, Tomas de Torquemada vit, retiré du monde dans un couvent. C'est un théologien qui passe ses journées à prier. Mais quand un jour, il est nommé chef de l’Inquisition espagnole, tout bascule. Torquemada devient tout-puissant. Un climat de terreur et de suspicion s’installe. La délation et les rumeurs les plus folles vont bon train. L’Espagne devient un immense brasier. Même aujourd’hui, on ignore encore le nombre des victimes de Torquemada, mais ce qui est sûr, c’est qu’il sont au moins des centaines de milliers. 

La rencontre avec Isabelle de Castille

Torquemada est né en 1420 en Castille, un royaume du nord de l’Espagne. Contrairement à une rumeur persistante, Torquemada n’est pas issu d’une famille de juifs convertis au catholicisme appelés nouveaux chrétiens. Enfant austère et solitaire, le petit Tomas ne joue pas avec ses camarades. Il est élevé par son oncle, un théologien et cardinal qui fait partie des Dominicains, l’un des ordres les plus stricts de l’Église catholique. L’emploi du temps de Tomas est toujours le même. 365 jours par an, il prie, étudie les textes saints et vit dans un dénuement presque total. 

À 32 ans, Torquemada est nommé prieur dans un couvent où il restera 22 ans. En parallèle, Torquemada est nommé professeur et confesseur de l’infante Isabelle de Castille. Il lui conseille de s’engager activement dans la Reconquista et qui entraîne aussi un déferlement de violence contre les Juifs. Les pogroms se multiplient et se terminent en bains de sang. 

Depuis quelques années, ils sont obligés de vivre dans des ghettos. Ils n’ont pas le droit d’exercer de charge publique, de vendre de la viande ou tout autre comestible et même de se couper la barbe et les cheveux. Ils doivent porter un long manteau noir pour bien être distingué du reste de la population. À Tolède, un statut de la pureté de sang a été adopté, ce qui veut dire que les juifs sont exclus de la ville.

Tortures et exécutions

Torquemada veut davantage les réprimer pour les pousser à quitter l’Espagne. Quand Isabelle de Castille devient reine, Torquemada lui conseille de confiner les juifs dans des ghettos et de les chasser de plusieurs villes, puis il la pousse à faire alliance avec l’autre royaume catholique, l’Aragon, pour être plus forte face aux ennemis des chrétiens. Elle se marie avec Ferdinand d’Aragon. 

Toujours sous l’influence de Torquemada, véritable éminence grise du couple royal, Isabelle et Ferdinand demandent au pape d’alors, Sixte IV, l’autorisation de nommer eux-mêmes les responsables de l’Inquisition dans leurs royaumes. Le pape donne son feu vert et c’est donc Torquemada qui est nommé inquisiteur général pour la Castille, puis l’Aragon et la Catalogne. Représentant du Pape placé sous l'autorité des souverains espagnols, Torquemada devient le maître absolu de tous les tribunaux inquisitoriaux, situés à Cordoue, Valladolid, Valence, Barcelone et Majorque. 

Lorsqu’une personne est suspectée d’hérésie, elle est jetée en prison et la torture est souvent employée. Mais comme l'Église n'a pas le droit de verser le sang et de mutiler, des tortures spéciales sont employées pour extorquer des aveux aux suspects. La plupart des prévenus échappent à la mort et certains ont droit au pardon. Mais beaucoup sont condamnés à la peine capitale. Or, l’Église n’a pas le droit de donner formellement la mort. Alors ce sont les autorités civiles qui pratiquent les exécutions. Le plus souvent, les victimes sont envoyées au bûcher ou pendues en place publique, après avoir effectué une longue marche dans les rues sous les insultes et les crachats de la foule. 

À l'origine d'un décret d’expulsion des juifs

Pour empêcher la diffusion des hérésies, Torquemada ordonne que les livres jugés non catholiques soient brûlés, en particulier les exemplaires du Talmud, l’un des textes fondamentaux du judaïsme. Il est tout-puissant et impose un régime de terreur. Avec l‘Inquisition, la délation explose. Tout le monde devient suspect et c’est le règne de la rumeur. Par exemple, des Juifs sont accusés d’avoir assassiné et cloué sur une croix un enfant chrétien un vendredi saint. C’est faux, mais cela n’empêche pas des émeutes anti-juives d’éclater dans toute l’Espagne et de nombreux bouchers sont allumés. 

Torquemada est également à la tête d’un véritable trésor. Comme les biens des hérétiques sont confisqués, l’Inquisition est riche et une partie du butin remplit les caisses d’Isabelle et Ferdinand. L’argent de l’Inquisition finance la guerre pour la reconquête de Grenade en 1492 et la première expédition de Christophe Colomb en Amérique la même année. 

Convaincu qu’il réalise une mission divine essentielle pour sauver le catholicisme, il refuse tous les postes honorifiques qu’on lui propose comme celui d’évêque de Séville. Toujours proche de Ferdinand et Isabelle, il arrive à les convaincre en 1492 d’adopter le décret d’expulsion des juifs. Au moins 150.000 d’entre eux acceptent la conversion forcée et 200.000 préfèrent l’exil. 

10.000 personnes brûlées vives

Le Grand Inquisiteur reste à son poste jusqu’à sa mort en 1498 à l’âge de 78 ans. Aujourd’hui encore, les chiffres de la répression perpétrée par Torquemada en Espagne ne sont pas précis. Les estimations les plus hautes parlent de plus de 10.000 personnes brûlées vives en presque 20 ans dont 9.000 juifs, la plupart convertis au catholicisme. Au moins 7.000 victimes ont également été déterrées pour qu’on brûle leurs cendres. Au moins 10.000 personnes ont également été torturées. 

Pendant plusieurs siècles, l’ombre inquiétante et glaciale de Torquemada va hanter l’Espagne. L’inquisition n’est abolie dans le pays qu’en 1834 et le décret d’expulsion des juifs de 1492 dont Torquemada a été le grand inspirateur disparait qu’en 1967 même si heureusement il n’est plus appliqué depuis longtemps. 

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