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Portrait de Talleyrand, peint Pierre-Paul Prud'hon en 1809
Crédit : Wikipédia
Pendant plus d’un demi-siècle, Talleyrand traverse les histoires orageuses, jalonne les révolutions, les coups d’État et les restaurations, en sortant toujours indemne. Cet homme, roué et raffiné, est une véritable anguille qui se faufile dans les antichambres et les chancelleries pour imprimer sa vision à la politique française, et notamment en matière de diplomatie.
C’est un grand artistocrate, un évêque défroqué, un ambassadeur de génie, mais aussi un esprit supérieur, doté d’un sens de la formule aiguisé comme un poignard.
Talleyrand promène sa silhouette estropiée avec nonchalance, au gré des changements de régime, trahissant tous les gouvernements qu'il a servis, mais jamais les intérêts supérieurs de la France ! "On dit toujours de moi ou trop de mal ou trop de bien. Je jouis des honneurs de l'exagération", s’amusait-il. Napoléon Bonaparte peut en témoigner...
L'INTÉGRALE - Talleyrand : le traître magnifique
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À la fin de l’année 1796, Talleyrand, alors homme fort du Directoire, convoite le poste de ministre des Relations Extérieures. C’est chose faite le 16 juillet 1797, à la faveur d’un remaniement ministériel. Talleyrand endosse le costume de chef de la Diplomatie qui lui sied si bien et qui fera sa renommée. Il en profite pour construire sa fortune, quitte à recevoir des pots de vins de la part des nations avec lesquelles il traite.
A l'époque, le Directoire est perturbé par des insurrections. Royalistes et Jacobins tirent à hue et à dia. Le régime menace de s’effondrer. En ces temps agités, chaque fauteuil à tendance à être éjectable. Reste à savoir qui va parvenir à tirer les marrons du feu. Talleyrand, avec toujours un coup d’avance, mise sur un jeune général corse, qui s’est couvert de gloire en Italie et qui vient tout juste de rentrer de l’expédition d’Égypte : Napoléon Bonaparte. "Le nom seul de Bonaparte est un auxiliaire qui doit tout aplanir", lui écrit-il. C’est lui la véritable cheville ouvrière du complot.
Talleyrand joue l’entremetteur avec Sieyès, directeur du consulat provisoire, s’assure du soutien de la police tenue par Fouché, et se retrouve au cœur d’un système qu’il adore :
l’intrigue. "Le meilleur moyen de renverser un gouvernement, c'est d'en
faire partie", disait-il plus tard. Machiavel n’aurait pas dit
mieux ! Le coup d’Etat du 18 Brumaire est un
succès. Le général Bonaparte devient Premier Consul, et Talleyrand conserve son
fauteuil de ministre des Relations Extérieures.
Au début, avec Napoléon, l’entente est au beau fixe. Les deux hommes, si diamétralement opposés dans leurs manières et leurs caractères, s’estiment mutuellement. Le premier Consul, qui se fait couronner empereur le 2 décembre 1804, passe pour un usurpateur et un rustre aux yeux des monarchies européennes. Il s’appuie alors sur Talleyrand, qui a tous les codes de l’ancien régime, pour donner du lustre à sa cour.
"Le Diable
Boiteux" organise des réceptions somptueuses. Il enchante les ambassadeurs par
son sens piquant de la conversation et l’art de sa table, toujours bien pourvue
en mets fins, mijotés par son maître queux, le mal nommé Carême. "Le
meilleur auxiliaire d’un diplomate, c’est bien son cuisinier", disait-il.
Talleyrand ne fait cependant pas l’unanimité,
notamment dans les milieux jacobins qui voient en lui un éternel aristocrate,
qui a encouragé le Bonaparte républicain à se faire empereur. Quant aux
royalistes, ils ne lui pardonnent pas une sombre affaire qui entachera
longtemps sa réputation : l’exécution du Duc d’Enghien, en 1804. À la suite de différents complots royalistes
contre Napoléon, Talleyrand persuade ce dernier de faire arrêter cet illustre
prince de sang, petit-fils du prince de Condé. Celui-ci est enlevé hors des
frontières de la France, jugé de façon expéditive et fusillé le 21 mars 1804, dans les fossés de Vincennes. Dans ses mémoires, Bonaparte indique que "c'est Talleyrand qui l'a décidé à arrêter le duc
d'Enghien", mais revendique l'exécution comme une décision
personnelle.
Dans les premières années de l’Empire, Talleyrand cumule
les honneurs : grand chambellan, grand cordon de la Légion d'honneur. Pendant
presque huit ans, il occupe le second rôle du régime. C’est lui l’artisan des
alliances et le garant d’un certain équilibre entre les puissances. Or, l’ambition dévorante de Napoléon,
couplée à la haine farouche que lui valent ses ennemis, menace constamment le
fragile édifice diplomatique. Talleyrand commence à lui reprocher de mettre
l’Europe à feu et à sang, enterrant cette "douceur de vivre" qui
régnait jadis sous l’Ancien régime.
C’est que la guerre contre les coalitions
européennes n’en finit plus. Après l’écrasante victoire d’Austerlitz, il tente
en vain d'adoucir les conditions humiliantes imposées à l'Autriche. Napoléon
commence alors à se méfier de Talleyrand, qui lui a conseillé par ailleurs l’intervention
désastreuse en Espagne, avant de s’en désolidariser. Cette duplicité éclate au grand jour en septembre 1808, lors de
l’Entrevue d’Erfurt avec le Tsar de Russie, Alexandre 1er, qui
commence à se lasser du blocus continental exigé par Napoléon pour étouffer
l’Angleterre. Talleyrand va jusqu'à déconseiller au Tsar de s'allier avec
Napoléon. C’est une trahison pure et simple.
Talleyrand, comme
toujours, sent le vent tourner. Il voit bien que Napoléon est condamné à une
guerre perpétuelle, une fuite en avant qui le fait courir à sa perte. Mais l’Empereur ne l’entend pas de cette oreille. Quand il apprend que son
ministre lui savonne la planche, Napoléon retire à Talleyrand son poste de
grand chambellan. Talleyrand est convaincu qu’il va être arrêté, voire pendu,
mais il reste impassible. Il sait que les choses pourront bientôt tourner en sa
faveur. Le Diable boiteux s’est montré détestable aux yeux de l’Empereur, mais
il semble indispensable à sa diplomatie. C’est lui qui travaille à son divorce
avec Joséphine de Beauharnais et à son remariage avec une archiduchesse Autrichienne,
Marie-Louise. Talleyrand reste dans la place, veillant à ne pas mettre tous ses
œufs dans le même panier. Égal à lui-même, il observe et attend que le vent
tourne. Ce sera un vent d’est, un vent glacial que la grande armée va essuyer
en Russie…
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