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Raoul Villain : après avoir été acquitté de l'assassinat de Jaurès, qu'est devenu ce marginal ?

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Raoul Villain : après avoir été acquitté de l'assassinat de Jaurès, qu'est devenu ce marginal ?

PODCAST - Après être sorti libre d'un procès retentissant, Raoul Villain s'est installé, au début des années 1930, à Ibiza.

Raoul Villain (au centre de la photo) nationaliste français jugé en 1919 pour l'assassinat du leader socialiste français Jean Jaurès le 31 juillet 1914 à Paris.

Crédit : Ann Ronan Picture Library / Photo12 via AFP

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Raoul Villain, un marginal fragile et nationaliste, a marqué l’histoire en assassinant Jean Jaurès, l’une des personnalités politiques les plus célèbres et les plus aimées du début du XXe siècle en France.

Mais c’est surtout son procès, cinq ans après le meurtre, qui a révélé les tensions d’une époque profondément transformée par la Première Guerre mondiale. Pourtant, celui qui a tant fait parler de lui est vite tombé dans l'oubli et est mort dans l'indifférence la plus totale.

Le 31 juillet 1914, alors que l’Europe s’apprête à basculer dans la guerre, Jean Jaurès, leader socialiste et fervent pacifiste, est assassiné par Raoul Villain à Paris. Jaurès, qui avait consacré sa vie à la défense des travailleurs et à la promotion de la paix, était devenu une cible de choix pour les nationalistes extrémistes qui voyaient en lui un obstacle à la mobilisation contre l’Allemagne.

Un procès à contre temps

Le procès de Raoul Villain a eu lieu le 24 mars 1919, presque cinq ans jour pour jour après l’assassinat de Jean Jaurès. Pendant ces années de guerre, Villain est resté derrière les barreaux, tandis que la France se transformait. La guerre avait fait plus de 1,3 million de morts militaires français, l’Alsace-Lorraine était redevenue française et le pays célébrait la victoire. Dans ce contexte d’euphorie nationale, les partisans de la paix, qui avaient voulu éviter le conflit avec l’Allemagne, étaient désormais détestés.

La première journée du procès, devant une salle comble, Raoul Villain, un homme grand, maigre, à la moustache rousse, a raconté son parcours. Il a expliqué ce qu’il avait fait ce fameux 31 juillet 1914, jour du crime. Il a raconté s’être notamment rendu ce matin-là à Notre-Dame de Paris pour brûler un cierge en hommage à Jeanne d’Arc, symbole fort du nationalisme.

Villain a expliqué aux jurés qu’il avait voulu, à l’origine, aller assassiner l’empereur allemand Guillaume II lors de sa visite officielle à Strasbourg. Mais après avoir appris que ce souverain était un amoureux des arts, il avait renoncé, s’effondrant même en larmes : "Quoi ? Moi ? Assassiner un amoureux des arts ? C’est inconcevable !" Il s’est alors tourné vers un ennemi plus proche, qu’il considérait comme un traître : Jean Jaurès.

Un déséquilibré mental

À la barre, Villain a déclaré avec force : "Ces idées de désarmement, alors que l’Allemagne armait à outrance contre nous, me paraissaient criminelles". Il a affirmé qu’il ne pouvait accepter les appels à la paix de Jaurès, qu’il accusait d’être un défaitiste, un traître à la patrie.

Le profil psychologique de Villain est devenu un point central du procès. Les médecins ont présenté un individu atteint d’un "déséquilibre mental complexe". La défense s’est appuyée sur cette instabilité psychologique pour plaider l’acquittement, arguant que le crime n’avait pas été prémédité.

En revanche, les avocats de la partie civile ont dénoncé un acte prémédité, influencé par une presse hostile à Jaurès, notamment le journal monarchiste et antisémite L’Action Française. Ils ont affirmé que Villain n’avait pas agi seul et qu’il avait eu un complice. Ils ont réclamé la peine de mort.

Une délibération de 30 minutes

Après seulement une demi-heure de délibération, le jury a rendu son verdict, à 19 heures : par onze voix contre une, Villain a été déclaré non coupable d’homicide volontaire. Il a donc été acquitté et remis en liberté immédiatement. Avant de quitter le tribunal, Villain a même présenté ses excuses à la veuve de Jean Jaurès, condamnée à rembourser les frais de justice.

Ce verdict a provoqué une onde de choc, notamment à gauche. Dans L’Humanité, le journal fondé par Jaurès, Anatole France a proclamé : "Travailleurs, Jaurès a vécu pour vous, il est mort pour vous. Un verdict monstrueux proclame que son assassinat n’est pas un crime." L’Union des syndicats et la Fédération socialiste de la Seine ont organisé une grande manifestation à Paris où 150.000 personnes ont défilé, accompagnées de nombreux rassemblements en province.

La mort dans l'anonymat

Mais il a de nouveau attiré l'attention sur lui. Un an plus tard, il a été arrêté à Montreuil pour trafic de monnaie. Condamné à 100 francs d’amende, Raoul Villain écope d'une peine plus lourde, paradoxalement, que pour l’assassinat de Jaurès.

Depuis, il a erré en Europe avant de s’installer, au début des années 1930, à Ibiza, grâce à un héritage. Là-bas, il a mené une existence marginale, considéré par les habitants comme "le fou du port". Quand la guerre civile espagnole a éclaté en 1936, il s’est retrouvé pris dans la tourmente.

Le 17 septembre de cette même année, des anarchistes espagnols l’ont exécuté. Selon eux, ce Français soutenait les franquistes. Il est mort, sans avoir probablement été identifié comme l’assassin de Jean Jaurès.

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