Raoul Villain : qui était l'assassin de Jean Jaurès convaincu d'agir pour sauver la France ?
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Raoul Villain : qui était l'assassin de Jean Jaurès convaincu d'agir pour sauver la France ?
PODCAST - Un seul meurtre a suffi à rendre célèbre Raoul Villain, car il a assassiné l'une des personnalités politiques les plus célèbres de ce début du XXᵉ siècle : Jean Jaurès.
Raoul Villain (au centre de la photo) nationaliste français jugé en 1919 pour l'assassinat du leader socialiste français Jean Jaurès le 31 juillet 1914 à Paris.
Crédit : Ann Ronan Picture Library / Photo12 via AFP
Raoul Villain, du marginal nationaliste fanatique, à l'assassin de Jean Jaurès
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Il croyait sauver la France, il a précipité l'Hexagone dans la guerre. Raoul Villain, marginal instable et nationaliste fanatique, s'est vu investi d’une mission quasi divine. Accusant Jean Jaurès de trahison pour son opposition à une guerre devenue, selon lui, inévitable contre l’Allemagne, il lui a tiré dessus en 1914.
En tuant le leader socialiste, Villain a brisé l'un des derniers remparts pacifistes. Un mois plus tard, la Première Guerre mondiale éclatait. Ironie du sort, celui qui rêvait de combattre au front n’a jamais foulé le champ de bataille.
Raoul Villain est né à Reims en 1885, dans une famille de la petite bourgeoisie conservatrice. Son enfance n’a pas été rose, car sa mère a souffert de troubles psychiatriques. Quand il a eu deux ans, il est tombé de son berceau. Et au lieu de le consoler, sa mère a préféré le jeter par la fenêtre. Ensuite internée, elle a disparu de sa vie. C'est sa grand-mère, ultra-catholique, elle aussi perturbée psychiquement qui l'a élevé.
Jean Jaurès, son ennemi numéro 1
Il a étudié à l’École nationale d’agriculture, mais une grave typhoïde lui a laissé des séquelles nerveuses. Jugé inapte au service militaire, il a été réformé, puis a erré d’un poste à un autre, a voyagé en Angleterre et en Grèce, avant d’étudier l’archéologie au Louvre.
C’est là qu’il a rejoint des cercles ultra-nationalistes, notamment la Ligue des Jeunes Amis de l’Alsace-Lorraine. À cette époque, il est convaincu qu'une guerre totale contre l’Allemagne permettrait de venger la défaite française de 1870. Il a ainsi voué une haine contre les pacifistes et antimilitaristes. Son pire ennemi était donc Jean Jaurès, l’homme qui s’est opposé à l’allongement du service militaire. Villain le considérait comme un traître qui refusait de récupérer l’Alsace-Lorraine. Il a donc décidé de l’éliminer.
Deux balles fatales
Le soir du 31 juillet 1914, il a agi. À Paris, au 146 rue Montmartre, au Café du Croissant, Jean Jaurès, député du Tarn, fondateur de la SFIO était en train de dîner. Le fondateur du journal L’Humanité venait de terminer d'écrire un article où il appelait une nouvelle fois à la paix avec l'Allemagne. Assis sur une banquette, le dos tourné à une fenêtre ouverte, il mangeait une tarte aux fraises. C'est alors que le fin rideau, situé derrière lui, a été écarté. Un revolver est apparu et deux balles ont été tirées. Jaurès s’est écroulé et la nappe blanche s'est retrouvée maculée de sang. Il avait 55 ans.
Le tueur de Jean Jaurès s'est empressé de prendre la fuite. Mais un secrétaire de rédaction de L’Humanité l'a poursuivi Villain dans les rues parisiennes. Il l’a assommé avec une canne, puis un policier l’a aidé à l’immobiliser. Le suspect, grand, maigre, cheveux blonds, yeux clairs et moustache rousse, a été arrêté.
Un verdict qui divise
Le procès n'a pas eu lieu immédiatement, car il a été reporté en raison de la guerre. Ce n'est que le 24 mars 1919 que Villain a comparu devant la justice. Dans une salle comble, il a expliqué son acte. Les experts l'ont décrit comme mentalement instable. Les avocats des parties civiles ont critiqué le rôle de la presse, en particulier L'Action Française, qu'ils accusaient d'avoir attisé la haine contre Jaurès.
Après une délibération de trente minutes, le verdict est tombé : par onze voix contre une, Raoul Villain a été acquitté. La gauche a crié au scandale, et une manifestation de 150.000 personnes a eu lieu à Paris, suivie de plusieurs autres en province.
Mais Raoul Villain est libéré. Mais un an plus tard, il a été arrêté à Montreuil pour trafic de monnaie. Il a tenté de se suicider. Condamné à 100 francs d’amende, Raoul Villain écope d'une peine plus lourde, paradoxalement, que pour l’assassinat de Jaurès.
Une mort dans l'anonymat
Par la suite, il a voyagé à travers l'Europe de l'Est avant de s'établir, grâce à un héritage, au début des années 1930 sur l'île d'Ibiza, dans les Baléares.
À l'été 1936, la guerre d'Espagne entre les Républicains et les troupes nationalistes de Franco a éclaté. Dans le chaos ambiant, Villain a été arrêté par des anarchistes et exécuté le 17 septembre 1936, à l'âge de presque 51 ans. Il est peu probable qu'il ait été reconnu comme l'assassin de Jaurès. D’après ses exécuteurs, ce Français, perçu comme un peu fou, a été tué parce qu’il soutenait les franquistes.
Raoul Villain a été enterré sur l’île. Sa famille a réclamé son corps, sans succès. Tandis que sa victime, Jean Jaurès, lui, repose au Panthéon depuis 1924.
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