Philippe Pétain : quand la France chantait "Maréchal, nous voilà !"

Vainqueur de Verdun en 1916, Philippe Pétain a incarné aux yeux de nombreux Français une figure rassurante et patriote. Son image de "sauveur" de la France a fait l'objet d'un véritable culte de la personnalité. Mais il a été aussi, et surtout, celui qui, à la tête du régime de Vichy, a ouvert la voie en 1940 à la collaboration avec l’Allemagne nazie.

Inconnu du public jusqu'à la Première Guerre mondiale, Philippe Pétain a joué un rôle essentiel dans la bataille de Verdun en réorganisant la stratégie de l'armée française.  Devenu maréchal de France, il a joui d'une popularité politique exceptionnelle. Alors, lorsque la France s'est effondrée face à l’Allemagne nazie en juin 1940, le vieux maréchal qui incarnait la gloire militaire a été appelé au pouvoir. 

À Vichy, il est devenu chef de l’État français et s'est présenté comme le dernier rempart contre le chaos. Son célèbre "Je fais don de ma personne à la France" a renforcé son image d’homme providentiel.

Le culte du sauveur

Dès son arrivée au pouvoir, Pétain a compris l’importance de son image publique. Il soignait ses apparitions, posait sans lunettes pour mettre en valeur ses yeux bleus et apparaissait toujours en uniforme. Une immense machine de propagande a été lancée : timbres, cartes postales, calendriers, affiches... En 1940, dix millions de cartes à son effigie ont été imprimées. La Saint-Philippe est même devenue une fête nationale.

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La propagande a pénétré jusque dans les salles de classe. Le portrait de Pétain y est obligatoire. Les élèves dessinaient, écrivaient des poèmes pour lui à Noël, tandis que les enseignants inculquaient les valeurs du régime : Travail, Famille, Patrie. 

Pétain est devenu omniprésent dans la vie quotidienne : son visage a orné les pièces de monnaie et les affiches de propagandes. Les titres de ces dernières ont exalté son patriotisme, comme ce slogan célèbre : "Êtes-vous plus français que lui ?"

À cette époque, les Français chantaient des chansons à la gloire de Pétain dont la célèbre Maréchal, nous voilà ! : 
"Maréchal, nous voilà ! 
Devant toi, le sauveur de la France 
Nous jurons, nous, tes gars 
De servir et de suivre tes pas"

Chute d'un mythe

Mais derrière ce culte du chef s’est installé un régime autoritaire et collaborateur. Dès octobre 1940, sans pression directe de l’Allemagne, Pétain a fait adopter un premier statut des Juifs, les excluant de la fonction publique, des médias et de l’enseignement. Ce ne fut que le début d’une série d'actions antisémites. Lors de la rafle du Vél d’Hiv, où des milliers de Juifs ont été livrés aux nazis, Pétain s'est muré dans le silence.

En août 1944, les nazis ont emmené Pétain en Allemagne, à Sigmaringen. Reclus, il prépare sa défense. En 1945, il est revenu volontairement en France, a été arrêté, puis jugé à Paris. À 89 ans, il a été condamné à mort, mais De Gaulle a commué sa peine en prison à vie. Il a terminé ses jours sur l'île d’Yeu, où il est mort à l’âge de 95 ans.

Sa tombe, orientée vers Verdun, rappelle sa gloire passée. Longtemps, François Mitterrand y a déposé, chaque année, une gerbe en mémoire du vainqueur de 1916, un geste symbolique qui ne cessera de diviser l’opinion.

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