États-Unis : comment un riche exploitant a été ruiné par l'or que l'on a trouvé sur ses terres

Dans sa chronique quotidienne "Entrez dans l'Histoire" sur RTL, Lorànt Deutsch rappelle que la ruée vers l'or aux États-Unis n'a pas fait que des chanceux, à l'image de Johann August Sutter.

Illustration d'une ville à l'époque du Far West

Crédit : Pixabay

LA QUOTIDIENNE - Comment un riche exploitant a été ruiné par l'or que l'on a trouvé sur ses terres ?

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En Nouvelle-Helvétie, à cent cinquante kilomètres au nord-est de San Francisco, un pays est créé en 1839 par un aventurier suisse nommé Johann August Sutter. C’était en pleine conquête du Far-West, à l’époque où la Californie était sous la tutelle des Mexicains. Dans ce monde violent, Sutter a voulu construire un petit paradis. Sa Nouvelle-Helvétie se voulait hors du temps, loin des frénésies du moment, loin des massacres des Amérindiens. Sutter gouvernait sa nation privée avec bienveillance et efficacité.

En plus, les terres de la région étaient fertiles : elles produisaient des fruits sucrés, des légumes charnus et des fleurs de toutes les couleurs. Maïs, blé, vigne... tout poussait sur ces terres bénies des dieux. Sans oublier l’élevage qui prospérait et qui était exporté jusqu’à Buena Yerba, la future San Francisco. Des centaines d’hommes et de femmes, Amérindiens, Noirs, Mexicains Irlandais, Russes, Allemands, Chinois viennent peupler ces terres accueillantes.

Mais ce tableau idyllique va virer au cauchemar à cause... de l'or. En janvier 1848, James Marshall, un ouvrier travaillant dans la scierie de Nouvelle-Helvétie aperçoit, dans le courant d’eau destiné à faire tourner les machines, des cailloux aux reflets jaunâtres. De l’or ! Son esprit chavire, il entrevoit la fortune. Son patron Sutter lui demande de se taire et de garder le secret. Mais James Marshall va arroser ça au saloon. Il boit, il parle un peu trop, la rumeur enfle, traverse les terres, se répand. Comment résister à cet appel ?

De la fortune à la ruine

La nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Des aventuriers arrivent de partout, munis de pelles et de pioches, les gentils fermiers de Nouvelle-Helvétie désertent les champs pour la montagne où se cacheraient des mines aux promesses éclatantes. On ne pense plus qu’à trouver de l'or. Trois mois seulement après la découverte de James Marshall, la Nouvelle-Helvétie n’est plus qu’une terre abandonnée. Les bâtiments se lézardent sous le soleil, les troupeaux sont abandonnés, les colts parlent et les bandes s’affrontent. La Nouvelle-Helvétie n’existe plus. Johann August Sutter est ruiné par l’or que l’on a trouvé sur ses terres.

Mais s’il était vraiment propriétaire de ce territoire, n'aurait-il pas dû avoir sa part du trésor ? Sutter va se battre toute sa vie pour faire reconnaître par le Congrès américain ses droits de propriété. Tout était trop flou, trop nébuleux, son installation en Nouvelle-Helvetie s’était faite grâce à un consentement oral donné par des tribus amérindiennes, puis par un accord écrit délivré par les autorités mexicaines. C’était un casse-tête juridique et Sutter s’est finalement fait spolier. Ce malheureux pionnier suisse a été vite oublié.

Il est alors entré dans le mythe de la conquête américaine, et en 1925, un autre Suisse, l’écrivain Blaise Cendrars, a écrit L’Or, un roman biographique à lire absolument, qui a fait revivre Sutter pour les générations suivantes. Par la suite, la ruée vers l’or elle-même est entrée dans notre histoire collective. Avec Charlie Chaplin, Jack London, John Wayne ou Lucky Luke, nous avons tous gravi en rêve les montagnes de l’ouest américain pour partager la fièvre de la ruée vers l’Or.

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