"Son heure est venue". Ce sont les funestes mots qui apparaissent sur les affiches de Logan, en salles le 1er mars 2017. Un écho aux déclarations de Hugh Jackman, qui a annoncé il y a un an que le troisième volet des aventures de Wolverine marquerait sa dernière apparition dans la peau du super-héros. Après avoir incarné l'indomptable X-Man durant 17 ans, l'acteur de 48 ans rend les griffes. Et c'est le réalisateur James Mangold, déjà aux commandes de Wolverine : le combat de l'immortel, qui a été choisi pour mettre cet adieu en images.
Le défi était double : mettre en scène une ultime aventure exceptionnelle digne d'un au revoir tout en renouvelant un personnage déjà apparu dans pas moins de neuf films. Un contrat ambitieux largement rempli. Entre un rythme soutenu, un suspense haletant et une parabole biblique, le tout servi par des acteurs irréprochables, James Mangold réussit à nous faire redécouvrir des personnages qui semblaient s'être déjà entièrement dévoilés. Attention, cette critique contient des spoilers.
Hugh Jackman l'a dit lui-même lors de la première mondiale à Berlin, comme le rapporte The Hollywood Reporter : "Ce personnage est en moi depuis 17 ans, mais je ne crois pas l'avoir cerné aussi profondément avant ce film". Logan dévoile en effet une nouvelle facette de Wolverine. La rage laisse place à une certaine vulnérabilité qui brisera le cœur des fans et prouve les différentes palettes de sentiments dont dispose le comédien australien.
S'il a toujours été le plus torturé des X-Men, Wolverine n'a jamais laissé ses démons avoir l'ascendant sur lui. Dans Logan, les connaisseurs de la saga devront faire face à un personnage fatigué, grisonnant, las et quasi-suicidaire. Il en va de même pour Charles Xavier (Patrick Stewart) : le charismatique directeur de l'école pour super-héros, unique membre de l'équipe d'origine encore vivant dans ce troisième volet, est atteint d'une maladie dégénérative qui le contraint à s'isoler du monde, bourré de médicaments afin de brider ses pouvoirs.
Une posture radicalement différente de celle à laquelle les deux personnages, jusqu'alors caractérisés par une force physique et une vivacité d'esprit hors-norme, nous ont habitués.
Malgré ce triste tableau de départ, les amateurs ne tarderont pas à retrouver le personnage qu'ils apprécient depuis si longtemps. Rattrapé par son naturel, Wolverine redevient rapidement un héros à la force surhumaine... et aux terribles accès de violence. C'est d'ailleurs l'une des principales caractéristiques de ce nouveau film : rarement l'hémoglobine aura jailli avec autant d'abondance dans un film de super-héros. Le ton est donné dès la scène d'ouverture : ceux qui n'ont pas le cœur assez bien accroché pour voir des griffes en adamantium sortir d'un globe oculaire peuvent passer leur chemin.
Une agressivité ambiante que l'on retrouve aussi dans le propos. Hugh Jackman, en promettant un film "très différent", n'avait pas menti : avec Logan, James Mangold s'éloigne de l'atmosphère familiale de l'univers des X-Men et propose un long-métrage au ton extrêmement sombre. Wolverine évolue dans un monde où tout espoir semble perdu, chargé de protéger une fillette livrée à elle-même, poursuivie par la même organisation qui l'a affublé de ses griffes : la fameuse Laura alias X-23, au cœur de toutes les spéculations des fans depuis des mois.
On préfère vous prévenir : la dernière partie de cet article comprend un spoiler MAJEUR. Si vous souhaitez découvrir le dénouement du long-métrage au cinéma, fuyez.
Malgré toutes ces nouveautés, qui surprendront les fans sans les dérouter négativement, Logan reste fidèle à l'esprit de la saga X-Men, et surtout à la métaphore sur laquelle elle se base : celle de l'oppression des minorités. Aux discriminations auxquelles sont confrontés les X-Men depuis le premier volet de la saga s'ajoute ici la recherche d'une Terre promise où les mutants pourront vivre à l'abri de ceux qui les tyrannisent. Un écho quasi-évident à la crise migratoire mondiale et, plus précisément, à la politique de Donald Trump : Laura, petite fille hispanophone, cherche à échapper à ceux qui la traquent. Sous ses airs de superproduction U.S., constituée d'armes à feu, de méchants à grosses voix et de longues scènes de bagarre, Logan est peut-être le long-métrage le plus engagé politiquement de tous les X-Men.
Une autre thématique mise à l'honneur est celle de la transmission. La relation mentor-élève de Wolverine et du Professeur X se développe pour laisser place à des rapports presque filiaux. Logan, dans la fleur de l'âge, prend soin d'une figure paternelle malade. La responsabilité de protéger les mutants passe d'une main à l'autre : la mission revient à Logan lorsque le professeur X meurt tragiquement, avant que le super-héros ne succombe lui-même à ses blessures.
C'est le cœur de cette ultime aventure : le décès du personnage principal, qui sacrifie sa vie pour sauver celle d'X-23. Sa fille, créée à partir de ses cellules par Alkali, l'organisation qui succède à Weapon X, continue sans lui sa quête d'un Éden, accompagnée d'une toute nouvelle génération de mutants. L'histoire se termine, les adieux sont déchirants, mais le flambeau est passé.