Pourquoi "accueil" ne s’écrit pas "acceuil" ?
"Accueil", avec son orthographe qui semble avoir été élaborée en dépit du bon sens, fait partie des mots qui piègent tout le monde.

Amis des mots, aujourd’hui, nous allons venir en aide à Catherine. En effet, cette auditrice a attiré mon attention sur une incongruité de la langue française et se pose une question si naturelle que je suis sûre que vous vous l’êtes posée vous-même, il y a longtemps, quand vous étiez de tout petits amis des mots, au CP ou au CE1.
Catherine me raconte qu’elle travaille à l’accueil d’une mairie du département de la Vienne. Elle est amenée à donner son adresse de courriel à de nombreuses personnes, naturellement, adresse qui commence assez logiquement par le mot "accueil". "Les gens me rappellent sans cesse en disant que le mail ne fonctionne pas !", m’écrit-elle. En fait, ils "se trompent tous les jours sur l’orthographe du mot accueil". Les messages n’arrivent donc pas.
Changer d’adresse mail ne serait peut-être pas une mauvaise idée. Voilà en tout cas une façon de résoudre le problème d’une manière tout ce qu’il y a de pragmatique. Mais Catherine voudrait tout de même que j’explique pourquoi diable accueil s’écrit "UEIL", ce qui normalement devrait se prononcer "ueye", alors qu’on le prononce "euil", comme dans "écureuil", qui lui s’écrit bien "EUIL". Bref, dans "accueil", on prononce "UEIL" comme s’il était écrit "EUIL".
Bizarrerie
Comment expliquer cette bizarrerie ? D’abord, histoire de dédramatiser la mésaventure électronique qui frappe notre amie Catherine, précisons que l’accueil n’est pas seul à souffrir de cette orthographe apparemment illogique. C’est aussi le cas de quelques autres mots (orgueil, cercueil, écueil, recueil, cueillir, cueillette…), et bien sûr de tous les mots de leur famille : cueillir et recueillir s’écrivent comme s’ils se prononçaient "cueyir" et "recueyir", orgueilleux devrait se lire "orgueyeux", etc.
Voici ce qu’en dit la toujours excellente Banque de dépannage linguistique sur son site internet : "Le son [œj] (qui se prononce comme le mot 'œil'), s’écrit généralement "EUIL" en fin de mot. Ça, on est d’accord. Et elle donne les exemples du "fauteuil", du "deuil", du "seuil" ou du fameux "écureuil" cher à Catherine : tous ces mots se terminent en "EUIL".
"Gue" et "que" n’aiment pas les "œufs"
En fait, les exceptions se produisent lorsque le son [œj] est immédiatement précédé d’un C qui se prononce "k", ou d’un G qui se prononce "gue", ce qu’on appelle "C dur" et "G dur". Pourquoi ? C’est enfantin, quand on y songe. Nous avons tous mémorisé à l’école primaire que le C et le G se prononcent "sé" et "jé" quand ils précèdent les voyelles "E" ou "I". Donc "C" + "EUIL" se prononce "seuil" ; de même "G" + "EUIL" se prononce "jeuil".
C’est pour conserver la prononciation dure, [k] et [g], que l’on a imaginé cette solution (bizarre, je le reconnais) qui consiste à inverser la place des lettres E et U, de façon que le C et le G ne soient pas immédiatement suivis d’un E. Et voilà pourquoi orgueil, cercueil, recueil… ou accueil se terminent en UEIL plutôt qu’en EUIL.
Un truc, pour mémoriser dans quels mots on doit inverser le U et le E ? C’est tout simple : rappelez-vous que "gue" et "que" n’aiment pas les "œufs" (les E). Pour écrire les sons "keuil" ou "gueuil", mettez le U avant le E.