Demain, c’est le début du déconfinement et cela soulève tout un tas de nouvelles interrogations parmi les auditeurs du Bonbon sur la langue, et notamment pour Clive, qui m’écrit, sur langue@rtl.fr : "Covid-19 oblige, on nous incite vivement à porter des masques, cela dans le but... de réduire les postillons. J’ai tenté de trouver sur internet l’étymologie de ce mot dans son acception sanitaire mais sans succès".
Nos auditeurs se posent des questions fondamentales ; on est ami des mots ou on ne l’est pas ! Et figurez-vous que Clive est aussi musicien amateur et grand fan de la musique de Gustav Mahler. "Dans le troisième mouvement de sa Troisième Symphonie, m’écrit-il, on trouve un solo écrit pour cor de postillon, précisant qu’il s’agit d’un instrument utilisé jadis par les fonctionnaires des diligences postales pour annoncer leur passage (et qui figure encore de façon stylisée sur certains panneaux routiers, notamment dans les pays alpins)".
Donc, amis des mots, je l’apprends en même temps que vous : ce vieux panneau avec un dessin en forme de cor de chasse représente en fait un cor de postillon. Et Clive se demande s’il y a "un lien quelconque entre le fonctionnaire des postes et les projections buccales" et s’il faut "considérer que ces dernières sont en quelque sorte des messagers que nous expédions à tout vent".
C’est le genre de question que j’adore. D'autant plus que Clive a raison, figurez-vous !
Notre poste vient de l’italien posta. L’évolution du mot, explique Alain Rey dans son Dictionnaire historique de la langue française, a suivi l’histoire de l’acheminement et de la distribution du courrier : il a d’abord désigné l’ensemble des coursiers à cheval chargés du transport des lettres. Le mot postier, désignant un employé des postes, est apparu en 1840.
Le mot postillon est bien antérieur. Il arrive en français au XVIe siècle, issu de l’italien postiglione, "la personne qui conduit les chevaux de la poste" et il s’est appliqué particulièrement, raconte le Dictionnaire historique, depuis le XVIIe siècle, au "valet de poste qui montait sur l’un des chevaux du devant d’un attelage". De là, le terme s’est appliqué à quantité d’objets, et notamment au XIXe siècle à des "boulettes de pain de mie contenant un message que les détenus se lançaient pour communiquer" entre eux. Un genre de service postal de la prison. "Le sens courant de gouttelette de salive projetée involontairement en parlant", se rattache sans doute à cette idée, mais n’existe que depuis la deuxième moitié du XIXe siècle.
En somme, bien vu, Clive : les postillons de salive que nous nous efforçons de contenir en portant des masques et le postillon ancêtre de nos postiers actuels descendent bien, en français, du même arbre généalogique farceur !