Au premier abord, cela ressemble à une page Google. Une page assez nue et une barre de recherche. Vous rentrez vos clés. Vous cliquez. C'est après que c'est différent. C'est après que Xaphir veut nous faire changer notre façon de penser et de rechercher sur Internet. Les résultats seront d'emblée beaucoup plus divers que sur Google et - c'est là, la révolution - pour affiner, vous n'avez pas à retaper un mot-clé dans la barre de recherche : vous allez cocher ou décocher en face des résultats. Vous validez tel résultat si c'est la bonne piste ; vous excluez un résultat si ce n'est pas du tout l'idée.
"Google, basé sur la popularité, passe son temps à orienter et finit par nous enfermer dans une bulle de connaissance", expliquent les concepteurs de Xaphir. Google garde en mémoire nos données personnelles et va filtrer les résultats en fonction de ces datas. À l'inverse, Xaphir (mieux adapté plus tard au mobile) n'enregistre rien et veut nous offrir une page blanche à chaque requête sur Internet.
À l'origine de ce projet, il y a Éric Mathieu, 53 ans. Il est passé par le jeu vidéo et les pronostics sportifs. En 2010, il s'est lancé dans ce projet de moteur de recherche qu'il a mis huit ans à développer. Il a levé 10 millions d'euros. Il emploie désormais 35 personnes au centre d'Épinal. Depuis les bords de la Moselle, il entend conquérir le monde. On n'exagère pas. Il a la foi. "On a tort de nous interdire de penser que c'est possible", assène-t-il.
Son ambition n'est pas de concurrencer Google. Mais Éric Mathieu pense qu'il y a moyen de mordre les mollets de Google, dont le modèle - mots clés, traçabilité, publicité - peut être dépassé. "Je pense que c'est possible. Google est là pour longtemps et pour un temps, mais les empires sont faits pour disparaître", lance-t-il. "Ce que nous souhaitons proposer c'est une alternative, rentrer à l'horizon 2020 dans le top 5 des grands moteurs de recherche, et proposer quelque chose de différent", poursuit-il.
Google est là pour longtemps, mais les empires sont faits pour disparaître
Éric Mathieu, concepteur de Xaphir
"J'espère que demain, des parents diront à leurs enfants : 'Ne va pas chez Google, va chez Xaphir, tu en sortiras moins idiot, tu vas apprendre des choses'. L'expérience utilisateur de Xaphir, parce qu'elle est ludique et enrichissante, fera que beaucoup de jeunes vont s'en emparer progressivement", affirme Éric Mathieu. "Cela prendra le temps, il faudra un peu de patience", prévient-il.
2020 pour être dans les cinq premiers moteurs de recherche du monde. On peut être attendre sans souci, ce n'est même pas un quinquennat. Mais il y a encore du travail. Xaphir donne honnêtement peu de résultats pour l'instant, car le site est encore en train d'"aspirer" le web.
L'initiative a au moins le mérite de nous faire réfléchir à l'hégémonie de Google. Le moteur américain imprègne notre quotidien. "Googleliser" est devenu un verbe. Comme si, pour rechercher sur Internet, il n’y avait qu'une seule solution. Pour preuve : 95% des requêtes passent par Google en France, ne laissant donc que des miettes à un site alternatif comme Qwant. Aux États-Unis, on est à 65% pour Google, contre 33% pour Bing. Même les Américains n'osent pas donner à l’ogre Google autant de pouvoir.
Le moteur de recherche collectant nos données, déterminant aujourd'hui notre quotidien, nos achats, nos choix, notre vision du monde : c'est devenu un enjeu de souveraineté pour un pays. Les Chinois et les Russes l'ont d’ailleurs très bien compris. Ils ont fait démarrer des moteur contre-pouvoirs. Pékin a laissé exploser le site chinois Baidu qui écrase Google. Moscou a poussé le moteur de recherche Yandexqui, aujourd'hui, représente trois-quarts des recherche Internet en Russie.
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