Steven Spielberg l'avait prédit. Dans Intelligence Artificielle, sorti en 2001, le maître de la science-fiction met en scène Jude Law dans la peau d'un robot humanoïde, tentant de convaincre une humaine apeurée de coucher avec lui. Une scène de l'ordre de l'anticipation quasi délirante qui pourrait rejoindre la réalité. Alors qu'ils s'invitent peu à peu dans nos cuisines, nos restaurants et sur nos routes, les robots sont en bonne voie d'investir aussi nos chambres à coucher.
De nombreux scientifiques se penchent d'ores et déjà sur la mise au point de robots destinés à satisfaire les libidos (quasi-exclusivement masculines) de clients frustrés. Des machines qui, en des jours tels que la Saint-Valentin, pourraient aider certaines personnes à tromper leur solitude. De la love doll inanimée à l'androïde un peu plus indépendant, plusieurs ersatz de femmes, parfois troublants de réalisme, investissent peu à peu les marchés. Avec tout ce qu'ils comportent de problèmes éthiques.
True Companion fait office de précurseurs. L'entreprise américaine basée dans le New Jersey a présenté son premier prototype de robot sexuel en 2010. Baptisée Roxxxy, elle bouge les hanches, la tête et comprend - sommairement - son interlocuteur. La démonstration, publiée sur Youtube en 2015, n'est pas des plus affriolantes : les mots sont hachés, les mouvements mécaniques et l'illusion loin d'être parfaite. Ce succédané de partenaire sexuelle est disponible en ligne, pour la somme de 9.995$ (environ 9,500€). La société a également lancé Rocky, son pendant masculin.
Moins animée, mais plus réaliste : la love doll, une poupée à taille humaine, dont la peau, la texture et les formes imitent celles d'une femme. Une invention japonaise qui s'exporte petit à petit. De fait, quelques sites en France vendent leurs "poupées d'amour".
Helen Driscoll, Maître de conférence en psychologie à l'université de Sunderland aux États-Unis, fait déjà des pronostics : "La réalité virtuelle devient de plus en plus réaliste et immersive. Elle est capable d'imiter et même d'améliorer l'expérience du sexe avec un partenaire humain. On peut concevoir que certains choisiront cette alternative au sexe avec un humain, qui n'est pas parfait", a-t-elle expliqué dans des propos rapportés par le Mirror en 2015. Pour elle, les échanges sexuels entre hommes et robots pourraient se démocratiser d'ici 2070. Une date butoir qui semble largement atteignable, tant la mise au point de la parfaite amante excite l'inspiration des chercheurs.
Cet objectif a même fait l'objet d'un congrès international qui s'est tenu à la Goldsmiths University de Londres, le 19 et le 20 décembre 2016. Sobrement baptisé Love And Sex with Robots, la seconde édition de cet événement annuel (interdit en Malaisie l'an passé) se présentait comme "une excellente opportunité pour des universitaires et des professionnels de l'industrie pour présenter et parler de leurs idées et de leurs travaux innovants." Au programme : des conférences sur l'éventualité de rapports sexuels avec des machines, leur probabilité, les questions éthiques qu'ils soulèvent, leur impact sur les relations humaines.
L'amour nécessite la participation de deux être humains
David Kreps, maître de conférence à l'université de Salford
Kate Devlin, auteure de l'article Pour la défense des robots sexuels : pourquoi essayer de les interdire est une mauvaise idée, a expliqué toutes les "vertus thérapeutiques" qu'elle prête aux sexbots dans un article d'ABC Online : "Nous avons vu des choses telles que la réalité virtuelle être utilisées pour pour traiter des problèmes comme l'anxiété sociale. En faisant un pas de plus vers le domaine physique, les robots sexuels pourraient être quelque chose de très utile."
Deux mois plus tôt, début septembre, une autre conférence sur le sujet, baptisée Human Choice and Computers, s'est tenue à Salford au Royaume-Uni. David Kreps, maître de conférence à l'université de Salford et organisateur de l'événement, a fait part de ses réserves à Sputnik : "Peu importe le niveau de l'intelligence artificielle d'une machine, car l'amour nécessite la participation de deux êtres humains et plusieurs interactions de matière chimique sont engagées." Un progrès qui en effraye plus d'un. En cause : l'impact néfaste que pourrait avoir la démocratisation de telles machines sur les rapports homme-femme.
Kathleen Richardson s'impose comme l'une des figures de proue des "antis". Cette maîtresse de conférence à l'Université anglaise de De Montfort, spécialiste des questions de déontologie robotique, a lancé une campagne contre les robots sexuels : "Je veux que les gens cessent de penser au terme 'robot' et pensent au terme 'propriété'. Ce que l'on nous encourage à faire, c'est d'avoir des rapports avec une propriété", s'indigne-t-elle dans les colonnes d'ABC Online. Elle se désole du caractère "déshumanisant et isolant" de ces machines, mais aussi du sexisme qui en résulte : "Les gens pensent encore qu'il est socialement acceptable de considérer les femmes comme des objets sexuels."
Un argument auquel Kate Devlin répond en évoquant de nouveau les vertus thérapeutiques des robots sexuels, mais dans le cas des prédateurs : "La réalité virtuelle a déjà été testée en psychologie et proposée comme une manière de traiter les délinquants sexuels. Sujets à des questions éthiques, les robots sexuels pourraient constituer une bonne manière de progresser en ce sens." Si la science a encore de nombreux progrès à faire avant de démocratiser la présence de partenaires sexuels mécaniques dans les chambres à coucher, on peut d'ores et déjà anticiper les débat enflammés qui vont en découler.