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Photos Facebook, stories Instagram, messages privés... Quelles données Meta va pouvoir aspirer pour nourrir son IA ?

A partir du 27 mai, Meta pourra utiliser les publications publiques de ses utilisateurs pour entraîner ses modèles d'intelligence artificielle. Mais comme souvent en matière de numérique, le diable se cache dans les détails.

L'assistant Meta AI est progressivement disponible dans les messageries de Meta en France

Crédit : RTL

Benjamin Hue

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Si vous utilisez les réseaux sociaux du groupe Meta, vous avez sans doute reçu récemment un courriel ou une notification vous expliquant un changement à venir dans l'utilisation de vos informations personnelles. Ces dernières semaines, Meta a donné un coup d'accélérateur à sa stratégie visant à faire de Meta AI le leader des assistants nourris à l'intelligence artificielle. Déployé en France et en Europe dans Facebook, WhatsApp et Instagram depuis le 20 mars, ce nouvel outil dispose depuis peu d'une application autonome destinée à donner une dimension sociale à l'intelligence artificielle.

La prochaine étape pour Meta consiste à exploiter les informations issues de Facebook et Instagram, ses plateformes sociales aux milliards d'utilisateurs, pour améliorer ses modèles d'IA. Le groupe de Mark Zuckerberg a fait savoir le 7 avril qu'il allait bientôt utiliser les contenus publics publiés sur Facebook et Instagram pour peaufiner ses algorithmes. 

L'entreprise s'est appuyée sur une brèche réglementaire européenne pour élargir le périmètre des contenus que ses outils sont autorisés à passer en revue. Les internautes ont jusqu'à ce mardi 27 mai pour s'opposer à ces traitements via des formulaires en ligne sur Facebook et Instagram. Passé cette date, Meta considérera que les utilisateurs acceptent ses nouvelles conditions d'utilisation.

Quelles données sont ciblées ?

Le champ des contenus qui tombent sous le coup de cette nouvelle politique est relativement vaste. "Cela concerne les données qui sont contenues dans les publications publiques des utilisateurs adultes, c'est-à-dire les photos, les textes, les commentaires. Mais aussi les publications, les vidéos, les stories, l'humeur. Cela concerne aussi les données issues des interactions des utilisateurs, quel que soit leur âge, avec les services d'IA, donc Meta AI", résume l'avocate en droit des nouvelles technologies France Charruyer, jointe par RTL. 

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Concrètement, si votre compte Facebook ou Instagram n'est pas réglé sur privé, toutes vos publications sont concernées. Les photos de votre petit dernier, votre album de Noël et vos montages vidéos sur Reels pourront être mobilisés par Meta. Malgré leur caractère éphémère, les Stories sont aussi visées, car l'entreprise peut conserver une copie des images sur ses serveurs et les exploiter à des fins d'entraînement.

J'avais un compte public avant, suis-je concerné ?

Les données publiées par le passé ne rentrent pas dans le périmètre de cette nouvelle politique. Meta n'est pas autorisé à rechercher des contenus actuels non publics, seuls les éléments visibles à partir de l'entrée en vigueur de la nouvelle politique pourront être traités. 

Si vous aviez un compte Facebook public jusqu'en 2016 avant de basculer en privé, vos anciennes publications ne pourront pas être aspirées car elles ne sont plus considérées comme publiques. Aussi, un changement rétroactif de la visibilité de vos anciennes publications suffit en théorie à les extraire du champ de la collecte de Meta avant le 27 mai.

La règle est moins claire concernant les informations publiques après les 27 mai qui seront passées en privé par la suite. "Sur le papier, Meta dit qu'elles ne pourront plus être utilisées pour l'entraînement de l'IA. Mais elles auront pu être utilisées avant d'avoir été rendues privées. Comment pourra-t-on prouver que ce n'est plus le cas ensuite ? Le modèle ne va pas changer immédiatement. Cela pose la problématique de l'exercice des droits", souligne France Charruyer.

Les cas des conversations privées et des informations publiques des comptes privés

Le flou persiste aussi autour du traitement des conversations privées par Meta. Officiellement, les échanges sur Instagram, WhatsApp ou Messenger ne sont pas collectés. En revanche, toute interaction directe avec l'assistant conversationnel Meta AI, quel que soit l'âge de l'utilisateur, entre dans le périmètre de la collecte. 

Cela soulève plusieurs inquiétudes. Dans une conversation impliquant le chatbot, une simple mention et un partage d'information sensible par l'un des participants suffit à exposer les données aux systèmes d'IA, même si l'autre utilisateur n'a pas consenti. La frontière entre contenu privé et utilisable devient poreuse. "Une vidéo envoyée par erreur dans une conversation où Meta AI a été sollicité, même supprimée par la suite, peut potentiellement être intégrée au modèle d'entraînement. Et rien ne garantit que l'utilisateur puisse reprendre le contrôle après coup", explique France Charruyer.
Autre subtilité : "Même lorsqu'un compte est privé, des informations et des activités sont toujours publiques", souligne l'avocate. Ainsi, le nom d'utilisateur, la photo de profil, l'activité dans les groupes et les contenus publics de comptes privés pourront être utilisés par Meta. Si vous avez l'habitude de commenter les publications postées par des pages officielles ou des légendes de photos virales, il y a de fortes chances que ces informations soient traitées par l'entreprise. 

Les formulaires d'opposition ne couvrent pas les données publiées par des tiers

Conformément à ses obligations, Meta laisse la possibilité à ses utilisateurs de s'opposer à l'utilisation de leurs données. Deux options s'offrent à eux. La première consiste à modifier leurs paramètres de confidentialité pour rendre leurs publications non accessibles au public. La seconde, à remplir un formulaire d'opposition spécifique pour signifier son refus. Aucune justification n'est requise pour exercer ce droit d'opposition. Les personnes possédant plusieurs comptes liés à une même adresse n'ont pas besoin de remplir plusieurs formulaires. Si les comptes ne sont pas rattachés, il faut remplir un formulaire spécifique pour Facebook et un pour Instagram.

Autre point important : "Le droit d'opposition exprimé via ces formulaires ne s'applique qu'aux contenus publiés par les utilisateurs eux-mêmes. Il ne s'applique pas si un autre utilisateur met publiquement en ligne une photo ou des informations vous concernant. Si votre voisin vous a pris en photo à côté de sa piscine, cette opposition ne couvrira pas ces données", résumé France Charruyer. 

Un troisième formulaire d'opposition est accessible pour ces données sans connexion aux comptes des utilisateurs. Mais ce droit semble difficile à exercer au regard des conditions imposées par Meta. "Pour répondre à votre demande, nous avons besoin de savoir si les modèles d’IA de Meta ont des informations vous concernant. Veuillez joindre une capture d’écran sur laquelle figurent vos informations personnelles dans une réponse fournie par un modèle, une fonctionnalité ou une expérience d’IA de Meta. Si nous ne sommes pas en mesure d’identifier de tels exemples, nous ne pourrons pas donner suite à votre demande", explique l'entreprise.

Cette collecte est-elle légale ?

La nouvelle politique de Meta s'appuie sur un avis du Comité européen de la protection des données (CEPD) qui ouvre la possibilité pour les entreprises d'invoquer "l'intérêt légitime" pour utiliser des données personnelles dans le développement de leurs modèles d'IA. L'une des conditions posées par le CEPD est que ces traitements doivent minimiser les risques de réidentification des utilisateurs et garantir l'anonymat des données exploitées. Meta affirme avoir engagé un dialogue constructif avec le régulateur pour encadrer cette nouvelle étape. La CNIL a indiqué que les autorités européennes collaboraient actuellement pour évaluer la conformité de ces traitements.

Cette initiative est déjà contestée par des experts et des organismes de défense des consommateurs qui dénoncent un glissement vers une ère de transparence forcée et de vulnérabilité informationnelle. L'association autrichienne de protection de la vie privée None of your business (NOYB) a mis en demeure Meta de mettre un terme à ce projet, avant une possible injonction. Selon l'association, Meta s'expose à des risques légaux considérables s'il persiste dans sa stratégie car des centaines de millions de consommateurs s'allier dans une action collective européenne afin de demander des dommages et intérêts. Meta avait déjà dû suspendre ce projet en juin dernier à la suite de plaintes déposées par NOYB dans une dizaine de pays européens. 

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