Meta AI, l'assistant envahissant en forme de cercle qui convoite vos données Facebook et Instagram

Difficile de passer à côté si vous vous êtes connecté à Facebook, WhatsApp ou Instagram ces dernières semaines. Un petit cercle coloré s’affiche désormais en haut ou en bas de vos conversations. Ce nouveau symbole, c’est celui de Meta AI, l’intelligence artificielle lancée par le groupe Meta fin mars en Europe. Elle est en train d’arriver progressivement sur toutes les messageries du groupe en France. Si vous ne l’avez pas encore, ça ne devrait pas tarder : elle sera intégrée dans une prochaine mise à jour.

Meta AI, c’est un assistant conversationnel, un peu comme ChatGPT, un chatbot capable de comprendre des questions formulées en langage naturel et d’y répondre instantanément. Pour y accéder, c’est simple : il suffit de cliquer sur le cercle multicolore en bas à droite de WhatsApp, ou sur celui qui domine vos conversations Messenger ou Instagram au niveau de la barre de recherche des messages. On peut également le solliciter directement dans une discussion en tapant la formule @MetaAI sur le clavier numérique. 

Meta AI est omniprésent. Le groupe de Mark Zuckerberg mise sur son intégration dans ses plateformes utilisées par des milliards de personnes pour en faire le leader des assistants IA. Il est aussi depuis le 29 avril au cœur d'une nouvelle application autonome du même nom, qui permet d'échanger avec lui par écrit ou à la voix et de découvrir les usages de ses amis dans un espace "découverte" communautaire pensé pour démystifier les capacités de l'IA.

Une icône envahissante impossible à désactiver

Le déploiement rapide de Meta AI est souvent perçu comme envahissant par les usagers des plateformes de Meta. La volonté du groupe de l'imposer massivement, pour rentabiliser les milliards de dollars investis ces derniers mois dans son développement, se traduit notamment par l'impossibilité de le désactiver. Le bouton peut être masqué après une discussion avec l'IA mais la fonctionnalité reste active quoi qu'il arrive. Interrogé sur le sujet, Meta se contente de souligner que ses nouvelles options sont facultatives et que les internautes sont libres de les utiliser ou non.

Pour l’instant, l'intérêt de Meta AI reste assez limité. En résumé, Facebook a intégré une sorte de ChatGPT dans ses messageries. Vous pouvez lui poser toutes sortes de questions : demander une recette de cuisine, un conseil pour reformuler un texte, une traduction, la météo, ou encore des idées pour organiser un voyage. Mais c’est à peu près tout. Arrivée dans nos contrées avec près d'un an de retard, la version européenne de Meta AI est plus restreinte qu’aux États-Unis, où elle peut aussi analyser, générer ou modifier des images. Et n’espérez pas lui demander de gérer vos messages ou de vous rappeler un rendez-vous. Meta AI ne peut pas accéder à vos discussions privées. Le robot peut juste intervenir si vous le mentionnez, par exemple pour créer un sondage ou suggérer des idées dans un groupe.

Ces usages limités s'expliquent par la prudence qui escorte Meta dans le lancement européen de ce nouvel outil. Echaudé par les obligations renforcées instaurées par les dernières lois européennes sur le numérique, le groupe technologique marche sur des œufs. Son intelligence artificielle n’a accès qu’aux messages que vous choisissez de lui envoyer ou dans lesquels vous la mentionnez. Elle ne peut pas lire l’historique de vos conversations. Seulement ce que vous lui confiez. Donc mieux vaut éviter de lui parler de sujets trop personnels ou sensibles si vous ne voulez pas que ces renseignement soient exploités par Meta et ses puissants outils de ciblage publicitaire. 

Meta profite d'une subtilité juridique pour entraîner ses IA avec vos données publiques

Le lancement de l'assistant pourrait néanmoins ouvrir un nouveau front juridique pour Mark Zuckerberg en Europe. En s'appuyant sur une brèche réglementaire, Meta a récemment élargi le périmètre des contenus que son IA peut analyser pour améliorer ses modèles. Un avis rendu en décembre par le Comité européen de protection des données (CEPD) autorise, sous certaines conditions, l'usage des données personnelles à des fins d'entraînement de l'IA si un intérêt légitime est démontré et si l'anonymat des internautes est préservé. Les juristes de Meta y ont vu un feu vert pour exploiter les données publiques de leurs utilisateurs afin de peaufiner leurs algorithmes.

Le 7 avril, Meta a annoncé une mise à jour à venir de sa politique de confidentialité. Dès le 27 mai, l'entreprise commencera à utiliser les contenus publics publiés sur Facebook et Instagram pour entraîner ses intelligences artificielles, à savoir Meta AI mais aussi le modèle de langage Llama. Cela concerne toutes les données contenues dans les publications publiques des adultes (textes, photos, commentaires, vidéos, likes) mais aussi les informations échangées avec les services d'IA, quel que soit l'âge de l'utilisateur. En résumé, si vous n'avez pas réglé vos comptes en privé ou si vous avez déjà posté des contenus publics, via des pages officielles, notamment, ces données pourront être exploitées pour améliorer les modèles de Meta.

Meta laisse toutefois la possibilité à ses utilisateurs de refuser cette évolution jusqu'au 27 mai 2025. Passé cette date, le groupe estimera que les personnes qui n'ont pas exprimé leur opposition à cette mesure y consentent par défaut. Une notification sera envoyée dans les prochains jours pour expliquer les changements à venir et proposer un lien vers les formulaires de refus pour Facebook et Instagram. Il n'est pas nécessaire de justifier sa décision. Si vous possédez un compte Facebook et un compte Instagram reliés au même "Espace compte" Meta, l'opposition sera appliquée aux deux comptes. En cas de doute, vous pouvez remplir le formulaire pour chacun d'entre eux.

Le sujet est suivi de près par le gendarme français des données personnelles, la CNIL, et ses homologues européens. "Les autorités européennes collaborent actuellement pour évaluer la conformité des traitements de données personnelles envisagés par Meta pour ses services d’IA. Elles échangent notamment sur la légalité de ces pratiques, le caractère effectif du droit d’opposition ainsi que la compatibilité entre les finalités d’origine des traitements et cette nouvelle utilisation des données", indique la CNIL sur son site. 

Dans La Tribune, l'association autrichienne de défense de la vie privée Noyb ("None of your business", "Cela ne vous concerne pas" en anglais) estime que la base juridique invoquée par Meta n'est pas applicable en l'état. "La Cour de justice de l’Union européenne a déjà établi que Meta ne peut pas utiliser l’intérêt légitime pour la publicité personnalisée. Collecter l’ensemble des données personnelles des utilisateurs pour entraîner des modèles d’IA est encore plus intrusif, et cela ne pouvait être anticipé par les utilisateurs lorsqu’ils se sont inscrits il y a dix ans", explique son avocate. L'association avait déjà fait pression l'an dernier sur ce sujet, ce qui avait contribué à retarder le lancement européen de Meta AI.

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