Vous en avez peut-être entendu parler ces derniers jours : les autorités françaises veulent casser le chiffrement des messageries pour faciliter le travail des enquêteurs. Une proposition de loi examinée ces jours ci à l’Assemblée nationale prévoit de changer les obligations qui pèsent sur les plateformes. L’idée est d’obliger les applications comme WhatsApp ou iMessage à révéler le contenu des conversations de leurs utilisateurs sur demande des enquêteurs. Le ministre de l’Intérieur entend ainsi renforcer les moyens des forces de l’ordre face aux narcotraficants et aux terroristes.
À l’heure actuelle, les plateformes opposent souvent une fin de non recevoir aux policiers qui souhaitent voir le contenu des messages des suspects. Leur argument est qu’il est impossible d’y accéder lorsqu’ils sont protégés par le chiffrement. Cette technologie garantit en effet que seul l’émetteur et le destinataire d’un message peuvent déchiffrer son contenu. Elle verrouille les échanges par un cadenas virtuel dont seuls les participants à la conversation possèdent la clé permettant de les déchiffrer. Cette clé est conservée sur leur smartphone. Même les entreprises qui gèrent ces plateformes n’en ont pas connaissance.
Cette technologie est reconnue depuis des années comme un pilier de la cybersécurité et de la confidentialité des échanges. Elle permet par exemple à des des activistes, des opposants politiques ou des avocats de protéger leurs conversations dans des pays autoritaires. Certaines applications l’appliquent par défaut à toutes les conversations. C’est le cas de WhatsApp, iMessage d’Apple, Signal ou Olvid, pour lesquelles le chiffrement est même un argument commercial. D’autres, la proposent seulement en option. Il faut l’activer quand on créé une discussion. C’est le cas de Telegram et Messenger, par exemple. Le chiffrement ne sécurise pas seulement les communications, il est utilisé plus largement pour protéger les internautes et les entreprises contre les vols de leurs données.
Comme toute technologie, le chiffrement a aussi ses mauvais usages. Les criminels se sont faits une spécialité d’utiliser ces canaux de discussion pour sortir des radars des autorités ces dernières années. Cela pose des problèmes aux enquêteurs. Lorsqu’ils interceptent un message chiffré, ils ne voient qu’une suite de chiffres et de lettres inintelligibles impossible à déchiffrer. Leur seul moyen d’exploiter ces réseaux est d’avoir physiquement accès à un smartphone qui y est connecté. Ce qui limite leur moyen d’action.
Face à cette situation, les autorités aimeraient forcer les plateformes à coopérer davantage. Ces dernières années, les ministre de l’Intérieur français et de gouvernements étrangers sont régulièrement montés au créneau pour dénoncer le blocage de leurs enquêtes. Les attentats de Paris, l’attentat d’Arras, une loi européenne contre la pédocriminalité et aujourd’hui une loi contre le narcotrafic sont à chaque fois l’occasion de demander la mise en place d’une exception au chiffrement.
Celle-ci pourrait prendre la forme d’une porte dérobée, c’est à dire de créer une clé de déchiffrement seulement connue des plateformes qui pourraient la transmettre aux services en cas d’enquête. Elle pourrait aussi consister en la mise en place d’un destinataire caché dans les conversations sans en informer les participants. Un flux exclusivement à destination des enquêteurs. C’est ce qu’a demandé le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau cette semaine.
Ces demandes ont suscité une vraie levée de boucliers dans le monde des technologies. Les plateformes visées et les experts du secteur sont unanimes sur le sujet : créer une exception au chiffrement va à l’encontre de la technologie du chiffrement. Ajouter une porte dérobée ou un flux fantôme est impossible à faire sans affaiblir le niveau global de protection des messages et plus largement des données. La sécurité du chiffrement repose précisément sur le fait que personne ne peut passer outre.
De nombreuses voix se sont élevées récemment pour rappeler qu’une telle initiative était non seulement inapplicable mais aussi dangereuse. Elle ferait courir un risque pour la sécurité des internautes mais aussi pour la sécurité nationale. Une faille dans le chiffrement de WhatsApp ou Messages sera forcément réutilisée par des gouvernements étrangers, des pirates et des acteurs malveillants avec le temps. Et les criminels ne mettraient pas longtemps avant de renoncer à se servir des messageries visées par ces dispositions.
La loi sur le narcotrafic doit être examinée par les députés d’ici la fin du mois de mars. Malgré la volonté du gouvernement, l’amendement visant le chiffrement n’a pas survécu au vote des députés en commission des lois. Tous les parlementaires ont voté contre cette disposition. Les entreprises visées avaient en outre fait savoir qu’elles ne seraient pas en mesure de l’appliquer. Le répit promet toutefois d'être de courte durée. Car la France n'est pas la seule à s'attaquer au chiffrement : le Royaume-Uni, la Suisse et l'Union européenne poussent aussi des textes de loi en ce sens.
En résumé, les débats autour du chiffrement ne sont pas qu’une question technique. Ils soulèvent des problématiques centrales pour les libertés fondamentales et impliquent de trouver un équilibre entre les objectifs légitimes des politiques, à savoir lutter contre les criminels, et le respect du secret des correspondances et de la protection des données, auquel tout le monde a droit.
Retrouvez chaque semaine (l’inimitable) "Règle d’or" en podcast… et désormais son pendant Numérique consacré aux problèmes du quotidien en ligne. Comment naviguer en toute sécurité sur Internet ? Quelles sont les réglages à paramétrer pour protéger vos données personnelles ? Comment repérer les arnaques en ligne avant de tomber dans le panneau… Benjamin Hue, journaliste à RTL, répond ici aux questions que vous vous posez tous les jours sur les nouvelles technologies.
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