Révolution à venir pour l'Internet français : il faudra bientôt prouver son âge pour accéder à un site pornographique gratuit. Le Sénat a adopté dans la nuit de mardi à mercredi un amendement à la proposition de loi contre les violences conjugales qui renforce considérablement les obligations des plateformes dans la vérification de l'âge de leurs utilisateurs qui s'effectue pour l'instant par le biais de simples formulaires déclaratifs qui n'empêchent pas les mineurs d'accéder à leurs contenus pornographiques.
Conformément aux exigences formulées par Emmanuel Macron il y a six mois, les sites pornographiques pourront faire l'objet d'un blocage judiciaire ou être déréférencés s'ils ne mettent pas en place un contrôle strict de la majorité de leurs visiteurs sur le modèle des dispositifs utilisés par les sites de jeux d'argent en ligne. L'objectif est de renforcer la protection des mineurs à l'exposition à la pornographie, passible de trois ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende pour les sites contrevenants.
La vérification de l'âge ne pose pas de problème pour les sites payants, où le contrôle s'effectue déjà par l'intermédiaire de l'enregistrement d'une carte de crédit. L'amendement vise principalement les portails gratuits, comme Pornhub ou YouPorn mais aussi les blogs, pour lesquels les simples formulaires de déclaration de majorité ne seront plus suffisants. "De nombreux sites Internet ont renoncé à mettre en place un véritable contrôle de l'âge des personnes qui visionnent ces images. Il suffit d'un clic, par lequel le mineur certifie avoir plus de 18 ans, pour que des milliers de vidéos pornographiques lui soient accessibles", peut-on lire dans l'amendement adopté par les sénateurs.
Si le texte est adopté définitivement, ce qui est en bonne voie au regard du soutien affiché par le gouvernement et la volonté marquée du président de la République de généraliser ce type de dispositifs, les éditeurs devront mettre en place des solutions techniques pour opérer ce contrôle. Mais leurs modalités ne sont pas précisées par le texte qui évoque seulement l'utilisation de cartes bancaires ou le dispositif France Connect, qui permet normalement de s'identifier pour accéder aux services publics en ligne.
En cas de non respect des règles, le CSA pourra mettre en demeure un site qui disposera alors de quinze jours pour mettre en place une solution permettant de prouver l'âge de ses visiteurs. Dans le cas contraire, le tribunal judiciaire de Paris pourra ordonner aux fournisseurs d'accès à Internet de bloquer l'accès au site et aux moteurs de recherche de le ne plus les référencer.
Citée par Next INpact, la sénatrice Marie Mercier (LR) à l'origine de l'amendement explique que les demandes d'accès vers les sites pornos "ont explosé pendant le confinement, et surtout pour des films pornographiques violents, autrefois limités aux personnes sadomasochistes ou BDSM. Aujourd'hui, le violent est devenu normal, et les jeunes filles trouvent normal que leur partenaire soit violent". En début d'année, 42% des jeunes interrogés dans une étude Yougov affirmaient avoir déjà tenté de reproduire certaines scènes visionnées dans des films.
"Beaucoup de mineurs visionnent ces images dès leur entrée au collège ce qui conduit à s’interroger sur l’impact que la consommation d’images pornographiques pourrait avoir, à moyen terme, sur leur développement affectif, psychologique et sexuel", déplore l'amendement validé par les sénateurs qui s'inscrit plus largement dans un projet de loi visant à lutter contre la banalisation des violences conjugales.
L'adoption de cet amendement répond à un engagement pris par Emmanuel Macron en novembre 2019. Lors d'un discours à l'Unesco, il avait donné six mois aux fournisseurs à Internet pour mettre en place un contrôle parental par défaut sous peine de légiférer. Selon Next Inpact, l'amendement a été soutenu par des associations de protection de l'enfance mais aussi par l'entreprise Marc Dorcel, dont le modèle repose sur un abonnement payant et qui pourrait être favorisé si des sites gratuits concurrents venaient à être bloqués.
Une loi similaire a été adoptée au Royaume-Uni en 2017. Mais le gouvernement a renoncé à la mettre en oeuvre l'an dernier car aucune des solutions techniques envisagées pour vérifier l'âge des utilisateurs (utiliser une carte bancaire, scanner une pièce d'identité, renseigner un code d'accès) ne s'est avérée suffisamment efficace et respectueuse des libertés.