"Le monde ne peut pas se passer d’informatique" : qu'est-ce que l’illectronisme, ce phénomène qui touche 15 % des Français

Dans la vie de tous les jours, Maryvonne est une enseignante à la retraite qui vit dans la banlieue rennaise. Elle avait l’habitude de donner des conseils, mais depuis un an, c’est elle qui suit des cours. Matière enseignée ? Comment se servir de son ordinateur.

Emma, formatrice à l’association Carrefour Numérique Grégorien, lui montre comment naviguer entre les différentes fenêtres, où cliquer, comment envoyer un mail ou chercher une information. Des conseils précieux, car sans internet, Maryvonne se sentait exclue. "Le monde, maintenant, ne peut pas se passer d’informatique. Avec cette formation, je me sens rentrée dans la vie", confie-t-elle, le sourire aux lèvres.

Maryvonne est loin d’être un cas isolé. Beaucoup, comme elle, découvrent tardivement le monde numérique. Selon le ministère de l’Économie, chargé du Numérique, 15% de la population adulte âgée de 15 ans ou plus est concernée par ce qu’on appelle l’illectronisme, c’est-à-dire la difficulté, voire l’incapacité, à utiliser les outils informatiques et internet.

Le phénomène touche 61,9% des plus de 75 ans, 9% des ouvriers, mais seulement 2% des cadres. "Je me souviens d’une personne, quand elle a eu la souris dans la main, elle ne comprenait pas qu’en la bougeant sur la table, le curseur se déplaçait sur l’écran. Cet apprentissage-là, plus on le fait tôt, moins on y pense", raconte Benoît, formateur au sein de l’association.

Quelles conséquences cela a ?

Aujourd’hui, plus de 80% des démarches administratives se font désormais en ligne. Alors, pour ne pas être laissés de côté, beaucoup de Français se tournent vers les espaces France Services, où des agents comme Valérie accompagnent les usagers dans leurs démarches. Elle aide à remplir les dossiers pour la CPAM, la CAF, les impôts ou encore la retraite.

"Je vais retourner sur votre compte, j’aurai besoin de votre numéro d’immatriculation", explique-t-elle, patiemment, à Annick, 82 ans, venue changer le nom sur sa carte grise. Une procédure entièrement dématérialisée, qui la dépasse un peu : "Vous savez, ça me barbe, ces trucs-là", soupire-t-elle. Et elle est loin d’être un cas isolé : trois quarts des rendez-vous dans ce centre France Services concernent des retraités sans accès à internet.

L’illectronisme ne disparaîtra sans doute jamais complètement. Certains responsables politiques, comme Nadège Avert, rapporteure de la mission sénatoriale sur les inégalités d’accès aux services publics, plaident donc pour réintroduire davantage de papier et renforcer l’accompagnement humain. "On sera tous, à un moment ou à un autre, en fracture numérique. La technique va plus vite que nous. L’idée, c’est que les personnes puissent remplir un document papier, mais en étant accompagnées", explique-t-elle.

Et cette fracture ne concerne pas uniquement les seniors : un jeune de moins de 25 ans sur cinq est lui aussi en difficulté avec le numérique. Une situation qui a des conséquences concrètes, notamment sur l’accès à l’emploi, aux droits sociaux ou encore au suivi médical.

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