Énième rebondissement dans la quête de vie sur Mars, l'une des questions les plus controversées dans l'exploration du Système solaire. Aujourd'hui froide et désertique, la planète rouge abritait probablement de l'eau liquide dans sa jeunesse. Soit sous la forme de lacs, de mers et d'un océan à sa surface, soit sous celle d'eau liquide en profondeur, selon les hypothèses qui prévalent.
Si l'eau n'est pas une condition suffisante à la vie, elle est néanmoins nécessaire. Raison pour laquelle les scientifiques s'échinent à en trouver la trace depuis plus d'un siècle. Ces dernières années, les espoirs se sont concentrés dans le sous-sol martien, suspecté de piéger de grandes quantités d'eau liquide car le sol de Mars est gorgé de glace qui doit se transformer en eau à quelques kilomètres de profondeur.
Nouvel épisode dans cette fascinante saga : une équipe de chercheurs italiens vient d'affirmer dans la revue Nature Astronomy avoir identifié les signatures de plusieurs poches d'eau salée sous la calotte polaire sud de Mars. Cette étude fait suite à une première détection de zones humides dans la région à l'été 2018.
Il y a deux ans, les scientifiques avaient annoncé avoir trouvé la trace d'un grand lac souterrain dans la région d'Ultimi Scopuli sur la base d'une trentaine d'observations faites entre 2012 et 2015. La découverte avait suscité autant d'enthousiasme que de scepticisme. La même équipe a poursuivi ses analyses sur une région plus importante en passant au crible plus d'une centaine d'observations réalisées jusqu'à l'an dernier. Et la piste a finalement pris de l'épaisseur avec la découverte de trois lacs souterrains, dont un plan d'eau principal de plus de 20 kilomètres de diamètre.
Les chercheurs se sont appuyés sur les données fournies par le radar Marsis de la sonde européenne MarsExpress, en orbite autour de la planète rouge depuis 2003. La propriété des ondes radars est de bien pénétrer dans la glace. Par contre, elle se réfléchissent comme sur un miroir lorsqu'elles tombent sur une couche liquide. En envoyant des ondes à jusqu'à un ou deux kilomètres de profondeur, ils sont partis à la recherche de l'or bleu en analysant le temps qu'elles mettent à remonter et leur intensité en fin de course.
"Pendant près de quinze ans, Marsis n'a rien trouvé. Mais les chercheurs ont persévéré et en 2018, ils trouvé un écho à environ 1,5 kilomètre de profondeur. Ils en avaient alors déduit la présence d'un lac très salé qui réfléchissait les ondes radars", explique Francis Rocard, astrophysicien et responsable des programmes d'exploration du Système solaire au Centre national d'études spatiales, joint par RTL. "Ils ont poursuivi leurs observations et avec une nouvelle méthode de traitement des données, ils ont affiné leurs recherches et confirmé leur annonce de 2018 avec plus de détails et d'ambition puisqu'ils n'ont pas trouvé un mais trois lacs souterrains", ajoute-t-il.
Ces résultats "renforcent l’annonce de la détection d’un milieu d’eau liquide sous Ultimi Scopuli, et indiquent la présence d’autres zones humides aux alentours", écrivent Sébastien Emanuel Lauro et les auteurs de la découverte. Selon eux, ces eaux "sont des saumures de perchlorate hypersalines", des eaux suffisamment salées pour ne pas se transformer en glace à des températures où l'eau devrait normalement geler. Cette découverte est jugée prometteuse par les scientifiques qui écrivent que "la possibilité de plans d’eau hypersaline sur Mars est particulièrement intéressante à cause du potentiel d’existence d’une vie microbienne".
Il est évidemment encore beaucoup trop tôt pour affirmer que ces lacs souterrains contiennent des vestiges d'une vie antérieure voire même actuelle sur Mars. Les chercheurs italiens se chargent eux-mêmes de tempérer les espoirs suscités par leur découverte en soulignant que "même si l'eau était sous forme liquide, il serait exagéré d'imaginer que la vie puisse persister dans une eau saumâtre sous la surface".
La présence de vie dans cette eau liquide très salée n'est pas fondamentalement impossible car des bactéries extrêmophiles, des organismes qui résistent à des conditions mortelles pour les autres, sont capables de vivre dans des environnements extrêmes comme les eaux saturées en sel. "Mais nous sommes encore loin de pouvoir espérer les détecter", souligne Francis Rocard, "car il faudrait creuser à 1,5 km sous la surface de Mars, ce qui est déjà énorme, et en plus près du pôle Sud, qui n'est pas du tout l'endroit où les hommes ont le plus de chances d'aller sur Mars d'ici vingt ou trente ans".
En attendant, la mission chinoise Tianwen-1 en route vers Mars pourrait permettre aux scientifiques de vérifier ces observations. Elle doit entrer en orbite de la planète en février 2021 et déployer à sa surface un robot dotés d’instruments radars capable de réaliser des observations similaires à celles du radar Marsis dans le sous-sol. Le rover de la Nasa Perseverance doit également fouler le sol martien en février prochain à la recherche de traces d'anciens microbes susceptibles d'avoir peuplé la planète rouge il y a plus de trois milliards d'années. Le retour des échantillons sur Terre n'est pas prévu avant dix ans. La recherche d'eau sur Mars aura sans doute vécu de nouveaux rebondissements d'ici là.
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