La mission BepiColombo a été lancée vendredi 19 octobre, dans la nuit, deux sondes vers la planète Mercure. Avant d'atteindre leur orbite, les deux sondes devront voyager sept ans et parcourir 9 milliards de km. Un programme à haut risque pour les scientifiques, à cause du risque de la sonde d'être "aspirée" par le Soleil.
"BepiColombo viendra comme un chevalier blanc, avec de meilleures données, plus précises", se réjouit Alain Doressoundiram, astronome de l'Observatoire de Paris. Les deux sondes, l'une de l'Agence spatiale européenne (Esa), l'autre de l'Agence japonaise d'exploration aérospatiale (Jaxa) décolleront de Guyane, à 22h45 heure locale (03h45 heure de Paris).
Seize instruments seront répartis à bord afin d'analyser la formation des planètes rocheuses. "Pour comprendre la formation de la Terre, il faut comprendre la formation des planètes rocheuses (Mercure, Vénus, le Terre et Mars, ndlr) dans son ensemble. Or, Mercure se démarque de ses consœurs", explique l'astronome.
La planète Mercure est la plus proche de notre Soleil, à 57.910.000 km de distance. Avec un diamètre de 4.879 km (contre 12.756 km pour la Terre), Mercure est la plus petite planète rocheuse du système solaire. Son volume en fait un planète "anormalement" petite, selon Pierre Bousquet, chef de projet au Cnes.
Cette particularité laisse penser que, dans sa jeunesse, Mercure a dû être percutée par un gros objet. "Un énorme cratère visible à sa surface pourrait être la cicatrice de ce cataclysme", raconte encore l'ingénieur. À charge de BepiColombo d'aller l'étudier.
La taille de la planète constituera également une complication pour la sonde. Qui dit petite planète, dit peu de gravité. Avec le Soleil hyper massif, situé "juste à côté" en distances spatiales, la sonde pourrait être aspirée par sa gravité à lui. Une complication qui devra être gérée par les scientifiques et les astrophysiciens.
Mercure possède de fortes variations de températures. Il fait extrêmement chaud le jour (430°C) et très froid la nuit (- 180°C). La planète subit des vents solaires, de "plus de 500 kilomètres par seconde", explique Pierre Bousquet. Les chercheurs vont donc pouvoir étudier l'impact de ce vent (10 fois plus important que celui qui est sur Terre) sur le champ magnétique de la planète.
Le champ magnétique sera d'ailleurs un autre sujet d'étude des sondes : à l'exception de la Terre, Mercure est la seule planète tellurique du système solaire à disposer d'un champ magnétique, dû normalement à une noyau liquide. Or, vu la taille de Mercure, son noyau aurait dû devenir solide avec le temps, comme Mars. Plusieurs pistes sont à l'étude pour comprendre cette possible anomalie, comme la présence d'un élément dans le noyau qui l'empêcherait de refroidir. Les deux sondes étudieront donc le champ de gravité de la planète, ce qui permettra aux chercheurs de définir sa composition et sa structure.
Contrairement à Vénus ou à Mars, Mercure a été très peu étudiée par les scientifiques. Malgré cela, deux sondes y ont déjà été envoyées par le passé : Mariner 10 a survolé trois fois la petite planète en 1974 et 1975 ; Messenger, elle, est restée en orbite autour d'elle entre 2011 et 2015, avant d'être crashée sur la surface de la planète, faute de carburant.
Ces missions ont mis en évidence la présence de glace au fond des cratères polaires. Les chercheurs présument que cette glace se serait accumulée au fur et à mesure des bombardements de comètes, et aurait échappé aux rayons UV du Soleil. "On le suspecte mais on n'a pas de preuve directe. BepiColombo pourra essayer de vérifier cela avec ses caméras infrarouges", note Alain Doressoundiram.