"La Terre est notre amante. Nous sommes follement, passionnément, intensément amoureuses et amoureux, et nous sommes chaque jour reconnaissants pour cette relation". Ces mots, ce sont ceux que l'on peut lire dans le premier article du manifeste de l'écosexualité, cette identité sexuelle conceptualisée par Annie Sprinkle et Beth Stephens, deux artistes et activistes américaines qui ont choisi l'humour, l’absurde, l'érotisme et la pédagogie pour sensibiliser le grand public autour de deux problématiques : la liberté sexuelle et la préservation de l'environnement.
L’écosexualité, c’est selon leur manifeste, cette façon d’aimer la Terre à travers tous les sens et ses éléments. De voir de l’érotisme dans les courbes de la planète, d’en aimer chaque recoin, de chérir ses arbres ou caresser ses pierres. Un plaisir que raconte la youtubeuse Solange Te Parle dans une vidéo postée en juin 2016 où elle affirme être "riviérophile".
Pour les âmes plus pragmatiques, telles que le médecin sexologue et andrologue André Corman, l'écosexualité - ou "écosexologie" - est "la réflexion écologique appliquée au domaine sexuel", explique-t-il à RTL Girls plusieurs mois après avoir livré une présentation à ce sujet lors des assises de la sexologie de Marseille. Explications plus en détails de cet art de vivre écologique.
Si le couple formé à la scène comme à la vie par Annie Sprinkle et Beth Stephens a initié le mouvement, les deux artistes ne sont pas seules dans leur démarche. L’écosexualité existe à travers une communauté d’artistes, d’intellectuel(le)s, de travailleurs et travailleuses du sexe mais aussi de sexologues, activistes, fétichistes de la nature, thérapeutes, scientifiques, féministes ou entrepreneurs et entrepreneuses.
Ce sont des hommes et des femmes qui prônent le minimalisme (acheter moins) ou l’achat éthique (écologique, local), toujours dans l’idée d’être connecté à la nature, de la respecter et de la préserver. Un point de vue confirmée à RTL Girls par le docteur André Corman. Pour lui, inutile de se perdre dans les rayons d'un sexshop pour se donner du plaisir en solo ou à plusieurs.
Pour la communauté d'Annie Sprinkle et Beth Stephens, l'écosexualité est revendiquée comme une véritable identité sexuelle, au même titre que la digisexualité par exemple. Le mouvement n'exclue aucune personne, couvre tout le spectre du genre et ses adeptes se font la mission d’éduquer le grand public à ces questions mais aussi, et surtout, de passer à l'action.
Car ces personnes ne font pas que dans les beaux et grands discours un brin provocants. Ils et elles feront "tout ce qui est nécessaire" pour sauver "les montagnes, les eaux et les cieux". Leurs armes ? "L’amour, la joie et les pouvoirs de la séduction", peut-on encore lire dans leur manifeste.
Annie Sprinkle et Beth Stephens utilisent par exemple l'art de la performance pour faire passer leur message avec des cérémonies de mariage entre elles et le lac Kallavesi, situé en Finlande, des pierres, la neige, la lune, la mer ou les montagnes Appalaches.
Les deux artistes-activistes ont également réalisé deux films traitant de l'écosexualité et informant sur la pollution du monde. Water Makes Us Wet: An Ecosexual Adventure (L'Eau nous excite : une aventure écosexuelle, un film pour éveiller sur le pouvoir sensuel de l'eau et alerte le public sur l'état des océans, rivières et mers qui se dégradent à travers le monde). Leur second film, Goodbye Gauley Mountain: An Ecosexual Love Story, un film pour protester contre l'extraction de certaines matières effectuées depuis les montagnes (et détruisant donc l'environnement local).
Sans aller jusqu'à la performance, sans avoir à considérer la Terre comme votre nouvelle amante, vous pouvez également adopter, en toute simplicité, l'écosexualité, assure André Corman. Le docteur explique que vous n'avez pas besoin d'exclure les objets coquins, applications de rencontre et autres vidéos pornographiques de votre sexualité.
Mais le sexologue préconise tout de même une prise de conscience indispensable selon lui : "Il faut se rendre compte que l'on vit tous sur une sorte de mensonge, presque fondateur ; celui qu'il y aurait une normalité de la sexualité, une sorte de nirvana qu'il faudrait que l'on atteigne".
On vit tous sur une sorte de mensonge, presque fondateur
André Corman, médecin sexologue
Or, "le sexe ne fonctionne pas comme cela", martèle le sexologue. "La normalité se trouve dans les troubles du désir ou dans le manque de performance par exemple". Une attitude plus écolo face aux relations sexuelles permettrait alors de prendre plus de plaisir.
Les outils pour y arriver ? "Aller vers la lenteur, le lâcher-prise, laisser exprimer sa personnalité, son humour ou sa créativité durant l'acte sexuel", détaille André Corman avant de citer d'autres "instruments de l'amour", comme il les appelle : "la tendresse, le jeu, l'érotisme, la séduction, le fantasme ou l'imaginaire". Et de conclure : "la main et la bouche sont de formidables sextoys".