Photos d'exécutions de Daesh sur Twitter : que risque Marine Le Pen ?
ÉCLAIRAGE - Pour avoir diffusé sur le réseau social des photos choquantes de l'État islamique, Marine Le Pen encourt en théorie jusqu'à 5 ans de prison.

Selon Manuel Valls, Marine Le Pen a commis une "faute politique et morale" en diffusant sur son compte Twitter, mercredi 16 décembre, des photos d'hommes torturés et exécutés par le groupe État islamique. Mais ces tweets, dont l'un a été retiré depuis sur demande de la famille de l'ancien otage américain James Foley, pourraient surtout constituer un délit pénal passible de prison ferme, en théorie. Pour l'instant, la présidente du Front national est visée, avec le député Gilbert Collard qui a lui aussi diffusé une photo de ce genre, par une enquête préliminaire du parquet de Nanterre pour "diffusion d'images violentes".
Dans le Code pénal, l'article 222-33-3 est consacré à "l'enregistrement" et "la diffusion d'images de violences". Selon ce texte, une peine de 5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende est prévue pour la diffusion d'images mettant en scène des "atteintes volontaires à l'intégrité" d'une personne. Il n'y a donc pas de distinction entre le fait de capter ces images ou de les relayer. Il n'y a pas non plus de différence établie sur le fait de vouloir faire de la propagande, comme l'État islamique le fait, ou de diffuser ces images pour dénoncer ces exactions.
Il est toutefois précisé que cette loi ne s'applique pas "lorsque l'enregistrement ou la diffusion résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice". Si les journalistes et les avocats, par exemple, sont protégés dans leurs fonctions, les responsables politiques ne semblent pas être concernés par cette exception.
Des tweets susceptibles d'être vus par des mineurs
Les tweets de Marine Le Pen tombent également sous le coup de l'article 227-24 du Code pénal. Celui-ci punit la diffusion d'un message "à caractère violent" ou "de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine" lorsqu'il est "susceptible d'être vu ou perçu par un mineur". Cela pourrait tout à fait s'appliquer à Marine Le Pen qui a véhiculé ces images via son compte Twitter officiel et suivi par plus de 841.000 abonnés. D'autant que sur ce réseau social très fréquenté par les jeunes, les messages des utilisateurs qui ont un compte public comme la présidente du FN sont visibles de tous les internautes. Pour ces faits, trois ans de prison et 75.000 euros d'amende peuvent être requis.
En revanche, comme l'explique Numerama, Marine Le Pen ne devrait pas être inquiétée pour "apologie du terrorisme". Ce délit, réprimé de 7 ans de prison par l'article 421-2-5, s'applique seulement lorsque la personne poursuivie tient en public un discours "qui met en valeur le terrorisme et y incite", précisait au JDD un ancien procureur au parquet antiterroriste devenu avocat. Or, la députée européenne assure avoir diffusé ces photos pour "taper un grand coup sur la table" et parce qu'il n'est "pas question" pour elle de "laisser les électeurs du FN être comparés à une organisation de barbares, d'assassins".
De l'avis de Wallerand de Saint-Just, trésorier du Front national, contacté par L'Express, la présidente du parti d'extrême droite ne risquerait rien face à la justice pour ses trois tweets polémiques. Un avis loin d'être partagé par Quentin Blanchet-Magon, un avocat pénaliste joint par BFMTV.com : "Je ne vois pas comment la justice pourrait en rester là, car, à mon sens, l'infraction est incontestable". Pour l'instant, le parquet de Nanterre n'en est qu'au stade de l'enquête préliminaire et une éventuelle citation à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois.
- Marine Le Pen retire la photo de James Foley de son compte Twitter
- Tweets de Marine Le Pen : "Nous sommes très en colère qu'elle manque autant de sensibilité", dit la mère de James Foley
- Tweets de Marine Le Pen : la présidente du Front national assume ses publications sur l'État islamique
- Tweets de Marine Le Pen et Gilbert Collard : une enquête ouverte pour "diffusion d'images violentes"