INVITÉ RTL - "Aujourd'hui, je ne vois personne" : la colère d'un sénateur de Mayotte qui craint un bilan très lourd dans les bidonvilles

Presque deux semaines après le passage du cyclone Chido, il demande la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la crise. Ce vendredi 27 décembre, le sénateur Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) de Mayotte, Saïd Omar Oili revient, au micro de RTL, sur les raisons qui le conduisent à une telle revendication. 

"Au Sénat, plusieurs rapports parlementaires ont été faits concernant les risques naturels dans nos collectivités, notamment les îles, explique-t-il. (...) Comment se fait-il que toutes ces préconisations n'aient pas été mises en œuvre ? Si je demande cette enquête parlementaire, c'est pour éviter que d'autres territoires subissent le même sort que Mayotte".

Selon lui, un énorme travail de réflexion et de travail a été fait depuis des années et n'est pas mis en œuvre sur le terrain. "Pourquoi, s'interroge-t-il, n'a-t-on pas pris les mesures en amont lorsqu'on savait que la trajectoire de ce cyclone allait vers Mayotte et que nous avions, bien sûr, des bidonvilles très vulnérables ? Pourquoi n'a-t-on n'a pas pris les mesures de précaution en prépositionnant, par exemple, des forces à Mayotte ? La nation doit savoir et la nation doit dire 'plus jamais ça', être informée". 

Le Premier ministre va aller à Mayotte, ça fait longtemps qu'il n'est pas venu là-bas et ça fait longtemps qu'il ne connaît pas notre territoire.

Le sénateur de Mayotte Saïd Omar Oili sur RTL

"Compte tenu des graves manquements observés lors de la gestion de ce cyclone à Mayotte, la création de cette commission d'enquête est indispensable", selon lui. "Lorsqu'on a déclenché l'alerte violette à 7 heures du matin et que les cyclones sont passés à 9 heures, explique-t-il, est-ce qu'on n'aurait pas pu déclencher ça avant et permettre aux gens justement de se mettre à l'abri beaucoup plus vite ? Est-ce qu'il y a eu des mégaphones qui ont tourné dans les villages en disant attention, c'est du sérieux, mettez-vous à l'abri ? Ça n'a pas été fait". 

Si le décompte du nombre de victimes ayant perdu la vie sera très difficile, le Premier ministre explique qu'elles se compteront en dizaines et non pas en milliers. "Le Premier ministre va aller à Mayotte, répond le sénateur du camp présidentiel, ça fait longtemps qu'il n'est pas venu là-bas, et ça fait longtemps qu'il ne connaît pas notre territoire. Moi qui vis là-bas au quotidien, je sais que j'avais un bidonville où j'avais plus de 10.000 habitants. Aujourd'hui, je ne vois personne".

On peut nous considérer, parce que nous venons de ces îles un peu éloignées, où on a des plumes, on danse, etc. et qu'on est des sauvages. Mais nous, on sait compter. Nous, on sait ce qui s'est passé.

Le sénateur de Mayotte Saïd Omar Oili sur RTL

Le sénateur estime donc que le bilan pourrait être bien plus lourd qu'évoqué, notamment par François Bayrou. "Moi, je me pose la question, assure-t-il. On peut nous considérer, parce que nous venons de ces îles un peu éloignées, où on a des plumes, on danse, etc. et qu'on est des sauvages. Mais nous, on sait compter. Nous, on sait ce qui s'est passé. On voit ce qui se passe ailleurs, lorsqu'il y a un tremblement de terre, lorsqu'il y a un cyclone, la première chose qu'on fait, on envoie des brigades cynophiles pour aller chercher. C'est ce qu'on voit. On est au 14ᵉ jour aujourd'hui de ce drame, on n'a jamais vu ça, on n'a vu personne. Il suffit de prendre les écrits de l'ensemble de la population qui vit là-bas, ils décrivent ce que je suis en train de vous décrire. Pourquoi il n'y a pas eu ça et pourquoi on n'a pas fait des recherches dans les décombres ?"

Le sénateur raconte l'histoire d'une enseignante à qui il tient à rendre hommage, dans un collège près du grand bidonville de Mayotte, Kawéni. "Elle avait 1.700 élèves et là, alors qu'elle cherche elle-même ses élèves, elle en a trouvé, pour l'heure, 300. La question mérite d'être posée. Ces enfants n'ont pas été expulsés. Ces enfants ne sont pas allés dans la forêt, parce qu'il n'y a plus de forêt. Ils sont où ? Ce sont des tas de questions qu'il faut qu'on se pose".