"Une renaissance européenne". Voilà ce que propos Emmanuel Macron à moins de trois mois des élections européennes. Pour exprimer sa vision de l'UE, le chef de l'État a choisi l'écrit, et le format de la tribune.
Une tribune divisée en trois chapitres et publiée ce mardi 5 mars dans les grands journaux français et européens : "défendre notre liberté, protéger notre continent et retrouver l'esprit de progrès". RTL vous propose de découvrir le contenu de cette tribune, intitulée Pour une renaissance européenne.
"Citoyens
d’Europe,
Si je
prends la liberté de m’adresser directement à vous, ce n’est pas seulement au
nom de l’histoire et des valeurs qui nous rassemblent. C’est parce qu’il y a
urgence. Dans quelques semaines, les élections européennes seront décisives
pour l’avenir de notre continent.
Jamais
depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe n’a été aussi nécessaire. Et
pourtant, jamais l’Europe n’a été autant en danger.
Le
Brexit en est le symbole. Symbole de la crise de l’Europe, qui n’a pas su
répondre aux besoins de protection des peuples face aux grands chocs du monde
contemporain. Symbole, aussi, du piège européen. Le piège n’est pas
l’appartenance à l’Union européenne ; ce sont le mensonge et
l’irresponsabilité qui peuvent la détruire. Qui a dit aux Britanniques la
vérité sur leur avenir après le Brexit ? Qui leur a parlé de perdre
l’accès au marché européen ? Qui a évoqué les risques pour la paix en Irlande
en revenant à la frontière du passé ? Le repli nationaliste ne propose
rien ; c’est un rejet sans projet. Et ce piège menace toute l’Europe : les
exploiteurs de colère, soutenus par les fausses informations, promettent tout
et son contraire.
Face à
ces manipulations, nous devons tenir debout. Fiers et lucides. Dire d’abord ce
qu’est l’Europe. C’est un succès historique : la réconciliation d’un
continent dévasté, dans un projet inédit de paix, de prospérité et de liberté.
Ne l’oublions jamais. Et ce projet continue à nous protéger aujourd’hui :
quel pays peut agir seul face aux stratégies agressives de grandes puissances ?
Qui peut prétendre être souverain, seul, face aux géants du numérique ? Comment
résisterions-nous aux crises du capitalisme financier sans l’euro, qui est une
force pour toute l’Union ? L’Europe, ce sont aussi ces milliers de projets du
quotidien qui ont changé le visage de nos territoires, ce lycée rénové, cette
route construite, l’accès rapide à Internet qui arrive, enfin. Ce combat
est un engagement de chaque jour, car l’Europe comme la paix ne sont jamais
acquises. Au nom de la France, je le mène sans relâche pour faire progresser
l’Europe et défendre son modèle. Nous avons montré que ce qu’on nous disait
inaccessible, la création d’une défense européenne ou la protection des droits
sociaux, était possible.
Mais
il faut faire plus, plus vite. Car il y a l’autre piège, celui du statu quo et
de la résignation. Face aux grands chocs du monde, les citoyens nous disent
bien souvent : « Où est l’Europe ? Que fait
l’Europe ? ». Elle est devenue à leurs yeux un marché sans âme. Or
l’Europe n’est pas qu’un marché, elle est un projet. Un marché est utile, mais
il ne doit pas faire oublier la nécessité de frontières qui protègent et de
valeurs qui unissent. Les nationalistes se trompent quand ils prétendent
défendre notre identité dans le retrait de l’Europe ; car c’est la civilisation
européenne qui nous réunit, nous libère et nous protège. Mais ceux qui ne
voudraient rien changer se trompent aussi, car ils nient les peurs qui
traversent nos peuples, les doutes qui minent nos démocraties. Nous sommes à un
moment décisif pour notre continent ; un moment où, collectivement, nous devons
réinventer politiquement, culturellement, les formes de notre civilisation dans
un monde qui se transforme. C’est le moment de la Renaissance européenne.
Aussi, résistant aux tentations du repli et des divisions, je vous propose de
bâtir ensemble cette Renaissance autour de trois ambitions : la liberté,
la protection et le progrès.
Défendre
notre liberté
Le
modèle européen repose sur la liberté de l’homme, la diversité des opinions, de
la création. Notre liberté première est la liberté démocratique, celle de
choisir nos gouvernants là où, à chaque scrutin, des puissances étrangères
cherchent à peser sur nos votes. Je propose que soit créée une Agence
européenne de protection des démocraties qui fournira des experts européens à
chaque Etat membre pour protéger son processus électoral contre les
cyberattaques et les manipulations. Dans cet esprit d’indépendance, nous devons
aussi interdire le financement des partis politiques européens par des
puissances étrangères. Nous devrons bannir d’Internet, par des règles
européennes, tous les discours de haine et de violence, car le respect de
l’individu est le fondement de notre civilisation de dignité.
Protéger
notre continent
Fondée
sur la réconciliation interne, l’Union européenne a oublié de regarder les
réalités du monde. Or aucune communauté ne crée de sentiment d’appartenance si
elle n’a pas des limites qu’elle protège. La frontière, c’est la liberté en
sécurité. Nous devons ainsi remettre à plat l’espace Schengen : tous ceux qui
veulent y participer doivent remplir des obligations de responsabilité
(contrôle rigoureux des frontières) et de solidarité (une même politique
d’asile, avec les mêmes règles d’accueil et de refus). Une police des
frontières commune et un office européen de l’asile, des obligations strictes
de contrôle, une solidarité européenne à laquelle chaque pays contribue, sous
l’autorité d’un Conseil européen de sécurité intérieure : je crois, face
aux migrations, à une Europe qui protège à la fois ses valeurs et ses
frontières.
Les
mêmes exigences doivent s’appliquer à la défense. D’importants
progrès ont été réalisés depuis deux ans, mais nous devons donner un cap
clair : un traité de défense et de sécurité devra définir nos obligations
indispensables, en lien avec l’OTAN et nos alliés européens : augmentation des
dépenses militaires, clause de défense mutuelle rendue opérationnelle, Conseil
de sécurité européen associant le Royaume-Uni pour préparer nos décisions
collectives.
Nos
frontières doivent aussi assurer une juste concurrence. Quelle puissance au
monde accepte de poursuivre ses échanges avec ceux qui ne respectent aucune de
ses règles ? Nous ne pouvons pas subir sans rien dire. Nous devons
réformer notre politique de concurrence, refonder notre politique
commerciale : sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui
portent atteinte à nos intérêts stratégiques et nos valeurs essentielles, comme
les normes environnementales, la protection des données et le juste paiement de
l’impôt ; et assumer, dans les industries stratégiques et nos marchés publics,
une préférence européenne comme le font nos concurrents américains ou chinois.
Retrouver
l’esprit de progrès
L’Europe
n’est pas une puissance de second rang. L’Europe entière est une avant-garde :
elle a toujours su définir les normes du progrès. Pour cela, elle doit porter
un projet de convergence plus que de concurrence : l’Europe, où a été
créée la sécurité sociale, doit instaurer pour chaque travailleur, d’Est en
Ouest et du Nord au Sud, un bouclier social lui garantissant la même
rémunération sur le même lieu de travail, et un salaire minimum européen,
adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement.
Renouer
avec le fil du progrès, c’est aussi prendre la tête du combat écologique.
Regarderons-nous nos enfants en face, si nous ne résorbons pas aussi notre
dette climatique ? L’Union européenne doit fixer son ambition – 0 carbone en
2050, division par deux des pesticides en 2025 – et adapter ses politiques à
cette exigence : Banque européenne du climat pour financer la transition
écologique ; force sanitaire européenne pour renforcer les contrôles de nos
aliments ; contre la menace des lobbies, évaluation scientifique indépendante
des substances dangereuses pour l’environnement et la santé... Cet impératif
doit guider toute notre action : de la Banque centrale à la Commission
européenne, du budget européen au plan d’investissement pour l’Europe, toutes
nos institutions doivent avoir le climat pour mandat.
Le
progrès et la liberté, c’est pouvoir vivre de son travail : pour créer des
emplois, l’Europe doit anticiper. C’est pour cela qu’elle doit non seulement
réguler les géants du numérique, en créant une supervision européenne des
grandes plateformes (sanction accélérée des atteintes à la concurrence,
transparence de leurs algorithmes…), mais aussi financer l’innovation en dotant
le nouveau Conseil européen de l’innovation d’un budget comparable à celui des
Etats-Unis, pour prendre la tête des nouvelles ruptures technologiques, comme
l’intelligence artificielle.
Une
Europe qui se projette dans le monde doit être tournée vers l’Afrique, avec
laquelle nous devons nouer un pacte d’avenir. En assumant un destin commun, en soutenant
son développement de manière ambitieuse et non défensive : investissement,
partenariats universitaires, éducation des jeunes filles…
Liberté,
protection, progrès. Nous devons bâtir sur ces piliers une Renaissance
européenne. Nous ne pouvons pas laisser les nationalistes sans solution
exploiter la colère des peuples. Nous ne pouvons pas être les somnambules d’une
Europe amollie. Nous ne pouvons pas rester dans la routine et l’incantation.
L’humanisme européen est une exigence d’action. Et partout les citoyens
demandent à participer au changement. Alors d’ici la fin de l’année, avec les
représentants des institutions européennes et des Etats, mettons en place une
Conférence pour l’Europe afin de proposer tous les changements nécessaires à
notre projet politique, sans tabou, pas même la révision des traités. Cette
conférence devra associer des panels de citoyens, auditionner des
universitaires, les partenaires sociaux, des représentants religieux et
spirituels. Elle définira une feuille de route pour l’Union européenne
traduisant en actions concrètes ces grandes priorités. Nous aurons des
désaccords, mais vaut-il mieux une Europe figée ou une Europe qui progresse
parfois à différents rythmes, en restant ouverte à tous ?
Dans
cette Europe, les peuples auront vraiment repris le contrôle de leur destin ;
dans cette Europe, le Royaume-Uni, j’en suis sûr, trouvera toute sa place.
Citoyens
d’Europe, l’impasse du Brexit est une leçon pour tous. Sortons de ce piège,
donnons un sens aux élections à venir et à notre projet. A vous de décider si
l’Europe, les valeurs de progrès qu’elle porte, doivent être davantage qu’une
parenthèse dans l’histoire. C’est le choix que je vous propose, pour tracer
ensemble le chemin d’une Renaissance européenne."
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