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Les femmes votent pour la première fois lors du premier tour des élections municipales le 29 avril 1945
Crédit : AFP
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29 avril 1945. Les Françaises se rendent dans l'isoloir et glissent pour la première fois leur bulletin dans l'urne pour la première élection municipale depuis la Libération. Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, quelques semaines avant le débarquement, le droit de vote leur a été accordé à la faveur d'un amendement adopté le 21 avril 1944. Après des décennies de lutte, la France devient l'un des derniers pays d'Europe à faire de la femme l'égal de l'homme devant le suffrage universel.
C'était pourtant loin d'être gagné. Dans la première partie du XXe siècle, l'Assemblée nationale a proposé à plusieurs reprises d'accorder le droit de vote aux femmes. Mais sous l'influence des Radicaux, le Sénat s'y est systématiquement opposé, brandissant à chaque fois l'argument d'un vote féminin sous l'emprise cléricale, trop favorable aux conservateurs. Un quart de siècle après cette décision historique, quel bilan peut-on dresser de l'utilisation du droit de vote par les femmes ?
Les premiers temps sont ceux de la pédagogie. Désireux d'attirer vers eux ces nouvelles électrices, les partis politiques s'emploient à expliquer les enjeux de l'acte citoyen. Mais les femmes se montrent moins pressées que les hommes de faire usage de leur nouveau droit et participent moins aux scrutins. Dans un article intitulé "Le vote des femmes en France" publiée dans la Revue française de science politique, Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche CNRS au CEVIPOF explique que pendant près de 25 ans, "l'écart entre les taux d'abstention oscille généralement entre 7 et 12 points au plan national comme au plan local".
L'analyse des premiers scrutins montre que le vote des femmes est plus conservateur que celui des hommes. On dit qu'elles votent comme leur mari mais elles sont en réalité plus proches des curés, réticentes à voter pour les candidats communistes, socialistes et radicaux. Aux législatives de l'automne 1946, elles sont 53% à voter à gauche contre 65% des hommes. Jusqu'au début des années 1970, "un écart de 12 points est observé entre les hommes et les femmes sur le vote de gauche", indique Janine Mossuz-Lavau. Cette tendance se vérifiera jusqu'au milieu des années 1980.
Le rapprochement des votes masculin et féminin s'effectue en même temps que les femmes entrent dans la vie professionnelle. Socialisées par les études supérieures et le travail, elles deviennent plus autonomes et le vote féminin s'émancipe des contraintes religieuses. La participation électorale des femmes s'aligne peu à peu sur celle des hommes, elles votent de plus en plus à gauche.
Au second tour de la présidentielle de 1969, elles affichent un taux de participation légèrement supérieur à celui des hommes. Et lors des législatives de 1973, "l'écart sur le vote de gauche passe pour la première fois au-dessous de la barre des dix points", écrit Janine Mossuz-Lavau. Cela dit, leur vote reste orienté à droite avec l'âge, notamment chez les plus de 60 ans. Un phénomène démographique qui explique en partie la victoire de Valéry Giscard d'Estaing en 1974.
Les élections législatives de 1986 marquent un tournant. "Pour la première fois, il n'y a plus de différence entre les deux sexes pour ce qui concerne le total des votes de gauche", écrit Janine Mossuz-Lavau. "Désormais en France, les femmes ne sont pas plus conservatrices que les hommes".
Un trait durable qui va s'accompagner de plusieurs évolutions notables. Tout en maintenant leur participation à un niveau égal à celui des hommes, les femmes sont de plus en plus attirées par le vote socialiste jusqu'au début des années 1990. En 1988, elles participent à la victoire de François Mitterrand sur Jacques Chirac en se prononçant plus pour lui que les hommes.
Le vote féminin est également marqué par une réticence aux idées du Front national. Une enquête Ipsos réalisée après le 21 avril 2002 et la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de la présidentielle montrait que les électrices avaient placé le candidat du Front national seulement en troisième position derrière Jacques Chirac et Lionel Jospin, alors qu'il arrivait en première position chez les hommes.
Dans Libération, Mariette Sineau, directrice de recherche CNRS au CEVIFOP, avançait alors "le refus de la violence physique et verbale qui émane des discours de Le Pen" pour expliquer cette tendance.
Ce fossé s'est réduit avec le temps. En 2012, ce différentiel n'était plus évalué qu'à quatre points dans un sondage Ifop. Ce changement s'est vérifié lors de la présidentielle de 2012 où, pour la première fois, Marine Le Pen a réussi à capter le vote des femmes (18%) dans les mêmes proportions que celui des Français.
D'une manière générale, le voté féminin s'est aligné sur celui des hommes, même s'il est plus conservateur chez les femmes âgées, plus nombreuses à voter en faveur de Nicolas Sarkozy que les hommes en 2012. Si bien qu'aujourd'hui, alors que les femmes forment plus de la moitié du corps électoral en France (53%), il n'y a plus vraiment de vote féminin à proprement parler. Au fil du temps, les problématiques du pouvoir d'achat, de l'emploi, des inégalités et tous les enjeux qui président leur vote se sont rapprochés de ceux des hommes.
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