Le ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux a annoncé mardi 21 mars sa démission, au lendemain des révélations sur l'emploi de ses filles comme collaboratrices parlementaires. Personne ne savait rien : c'est en tout cas ce que tous assurent, aussi bien à la tête du PS qu'à l'Assemblée nationale, et surtout à l'Élysée et à Matignon. Tout commence en fait la veille au soir alors que Gaspard Gantzer, en charge de la communication à l'Élysée, s'étrangle tout seul devant sa télévision en regardant Quotidien, l'émission de Yann Barthès sur TMC. À l'en croire, il découvre totalement le soupçon qui pèse sur Bruno Le Roux, pourtant interviewé dès le 10 mars par une journaliste de l’émission. "Il faut imaginer ma gueule, je suis tombé de ma chaise", confie-t-il en privé.
Première réaction du conseiller élyséen : il appelle Matignon pour savoir si le cabinet du Premier ministre dispose de plus d'informations. Mais là non plus, on n'a pas été prévenu. Gaspard Gantzer envoie donc en urgence un SMS au président de la République pour l'alerter - François Hollande est à ce moment-là en plein dîner de travail avec le Premier ministre japonais. Il comprendra immédiatement à la réponse du Président, qui lui demande en substance de quoi il s'agit, que celui-ci n'est pas plus informé.
À l'issue de son dîner de travail, alors que les cinq principaux candidats à la présidentielle s’affrontent en direct à la télévision, le chef de l'État décroche d'abord son téléphone pour parler à Bruno Le Roux directement. Il faut dire qu'il est l'un de ses plus fidèles soutiens. Il lui demande de s’expliquer. Il l'écoute, mais ne se prononce pas sur la suite des événements.
La décision ne va pourtant pas tarder à être prise. Pour Bernard Cazeneuve, elle semble déjà évidente, avant même qu'il ne se soit entretenu avec le Président, nous a confié l'un de ses interlocuteurs. Notamment parce que les faits paraissent limpides. Ensuite, parce qu'en pleine campagne présidentielle, l'exécutif a à cœur de montrer qu’il n'a "pas la main qui tremble" en matière de transparence de la vie publique. C'est donc en quelques minutes seulement de conversation au téléphone, que dès lundi soir, les deux têtes de l’exécutif tombent d’accord pour "débrancher" Bruno Le Roux.
Dès le lendemain matin, Bernard Cazeneuve prononce des mots qui ne laissent que peu de place au doute : "Lorsqu'on est attaché à l'autorité de l'État, on est impeccable face aux institutions et aux règles qui les régissent". Entre-temps, Bruno Le Roux a annulé tous ses rendez-vous de la journée, à l’exception d'un déplacement l’après-midi en Seine-Saint-Denis.
Mais ce n’est qu’à 14h30 que les trois hommes se retrouvent à l’Élysée. Difficile de retranscrire évidemment le contenu précis de leurs discussions. Une chose est sûre : l'entretien sera bref. À 15 heures, le chef de l’État et le Premier ministre confient à Gaspard Gantzer leur intention de laisser à Bruno Le Roux la possibilité d’annoncer lui-même son départ du gouvernement depuis Bobigny. C’est la seule concession qu’il aura demandée et obtenue.
L'éphémère ministre de l'Intérieur a-t-il tenté de sauver sa tête ? On a posé la question à un dirigeant socialiste. Sa réponse : "Ça n’a pas été immédiat. Il est dans une forme de déni, mais il ne s’est pas accroché au plafond non plus". Bruno Le Roux n'aura donc tenu que 24 heures.
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