"Tueur au Minitel rose" : traumatismes ou mensonges ? La "vérité psychique" du coupable au cœur de l'affaire

Doit-on croire les explications données par un tueur en série ? Condamné à la prison à perpétuité avec 18 ans de sûreté en 1996 pour trois meurtres et une tentative de meurtre, Rémy Roy a, pendant l'instruction, eu l'occasion de réfléchir à ses crimes et d'y poser des mots. C'est ce qu'il confie, peu de temps avant son procès, à Caroline Legendre, experte-psychologue, chargée de l'examiner.

"Il dit qu'il a été victime de violences sexuelles à l'âge de 13 ans de la part d'un pédophile dans un cinéma en cachette de sa mère", explique-t-elle dans Les Voix du crime. "Puis, vers l'âge de 19 ans, il aurait été violé par quatre hommes, il s'agit d'un viol collectif des hommes adultes qui avaient voulu le punir de ne pas avoir honoré une dette d'argent."

Pourtant, les enquêteurs ne parviennent pas à prouver les faits rapportés par celui que la presse a surnommé "le tueur au Minitel rose". Un nom qui fait référence au mode opératoire de ce père de famille villejuifois : Rémy Roy prenait contact avec ses victimes via la messagerie rose du Minitel, leur donnait rendez-vous et leur fracassait le crâne.

On se préoccupe de la vérité psychique du sujet

Caroline Legendre

Dès lors, comment savoir ce qui relève de la réalité ? La psychologue le croit-elle sincère ? "C'est la question de la crédibilité des propos de Rémi Roy", reconnaît-elle. "La crédibilité, c'est une notion juridique, mais même dans une situation d'expertise, où on est auxiliaire de la justice, on se préoccupe de la vérité psychique du sujet. Donc, l'idée, c'est d'être dans une disposition où l'on croit le sujet."

Il s'agit là d'une condition sine qua non selon elle, pour que Rémy Roy puisse se confier. Et, elle insiste : "que ces violences sexuelles aient été réellement vécues dans la réalité, ou qu'elles soient fantasmées, ou le fruit d'une reconstruction a posteriori (...) Rémi Roy, en tout cas, présente et décrit toutes les manifestations traumatiques qu'on peut retrouver lors de violences sexuelles subies."

L'expert n'a aucun jugement à formuler, ni à charge ni à décharge, et il ne peut dire quelque chose (...) que de la vérité psychique du sujet

Caroline Legendre

C'est cette vérité psychique qu'elle tentera de vulgariser lors de sa déposition à la cour d'assises de Créteil en 1996 et qui lui vaudra d'être interpellée par les parties civiles. "Ils me sont vraiment tombés dessus, très en colère", se rappelle-t-elle. Face à la détresse de ces proches de victimes, elle a pris le parti d'expliquer sa démarche. 

"C'est important de rappeler que l'expertise, on n'est pas avocat, on a comme mission de fournir des éléments de compréhension de la personnalité d'un auteur ou d'une victime, et notamment des éléments qui vont permettre de décoder le passage à l'acte violent, poursuit-elle. Et l'expert n'a aucun jugement à formuler, ni à charge ni à décharge, et il ne peut dire quelque chose, j'en ai déjà parlé, que de la vérité psychique du sujet, qu'il soit auteur ou victime."

Les proches de victimes ont ensuite compris. "À partir du moment où je leur ai expliqué ça et que j'ai bien différencié mon rôle de celui d'avocat de la défense, les choses se sont calmées, conclut-elle. C'était assez désagréable, mais en même temps intéressant, puisqu'effectivement, je pouvais tout à fait comprendre la position des familles et des amis des victimes." Aujourd'hui, Caroline Legendre espère avoir réussi à "redonner du sens à l'insensé" et resituer Rémy Roy, qu'elle appelle son "premier tueur en série", "dans le champ de l'humanité".

>> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.

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