Le 27 mars 2022 à 1h15, le conseil municipal de Nanterre s’achève. Depuis le début de la réunion, un homme, assis dans la salle, suit la discussion sur le budget de la ville. "Il n’était pas un militant actif ni proactif, mais c’était un visage familier", décrit Me Éric Morain, l’avocat de la mère du tueur, dans les Voix du Crime. De temps en temps, l’individu rend des services à la mairie. Rien d’anormal jusqu'ici.
Les élus préparent tranquillement leurs affaires pour rentrer chez eux. Soudain, l’homme se lève, sort une arme et fait feu à 37 reprises. Dans ce massacre, huit élus perdent la vie et 19 autres sont blessés. Alors qu’il recharge son arme d'un calme déconcertant, certains membres du conseil réussissent à maitriser le forcené. Stoppé dans son élan meurtrier, l’homme demande à ce qu’on l’abatte, avant d’être arrêté par les policiers.
Il s’agit de Richard Durn, 33 ans. Placé en garde à vue, le tireur assume son geste et répond sans tabou aux questions des policiers. Pendant ce temps, les gendarmes perquisitionnent le domicile de l'individu. Le trentenaire vient d'un milieu modeste, il vit toujours chez sa mère avec qu’il entretient une relation conflictuelle.
C’était quelqu’un qui était hanté par
la mort, la mort des autres et sa propre mortMe Éric Morain
À l’arrivée des policiers, celle-ci tombe des nues. Personne, dans son entourage, ne soupçonnait cet homme capable d'un tel acte. Dans la maison, notamment dans la chambre de Richard Durn, les enquêteurs découvrent les nombreuses lettres qu’il a écrites. Toutes mettent en évidence des envies suicidaires et meurtrières. "C’était quelqu’un qui était hanté par la mort, la mort des autres et sa propre mort", confie Me Morain.
L’homme apparait comme solitaire avec une vie sociale quasi-inexistante, nourrit par sa haine de l’autre. "Il en veut à la terre entière", explique l’avocat. Pour cet homme sans estime de lui-même, Nanterre et notamment son conseil, sont, en partie, responsables de ses échecs professionnel et personnel. En garde à vue, "il explique aussi mal qu’il écrivait dans les écrits, il y a quelque chose de revendicatif et de l’ordre du suicide provoqué", ajoute Éric Morain.
Depuis quelques années, l’homme pratiquait le tir sportif dans un club et détenait un permis de port d’arme, malgré son lourd passif psychiatrique. Une autorisation qui lui a été d'ailleurs retirée à la suite d'excès de violence envers sa psychologue de l’époque. Pourtant, malgré ces multiples éléments, Richard Durn ne fait l’objet d’aucun suivi et son arme ne va jamais être récupérée.
Ce qui aurait pu changer c’est un expert qui aurait dit qu’il était irresponsable car on ne juge pas les fous en France
Me Éric Morain
Au deuxième jour de sa garde à vue. Richard Durn arrive finalement à ses fins. Lors d’un moment d’inattention, le tueur échappe à la vigilance des policiers, pourtant vraisemblablement conscients de ses motivations suicidaires.
Malgré une double opération du genou et son mètre quatre-vingts, le tueur réussit à enjamber la fenêtre pour sauter du quatrième étage, sans que personne n’ait le temps de réagir. En se donnant la mort, Richard Durn prive alors toutes les victimes d’un éventuel procès.
Vingt ans après, Éric Morain s'interroge toujours quant à cette absence de procès. "Il aurait bénéficié d’une expertise psychiatrique. Ce qui aurait pu changer et même, peut-être, empêcher un procès, alors qu’il serait resté vivant, c’est un expert qui aurait dit qu’il était irresponsable, car - et c'est l'honneur de la République - on ne juge pas les fous en France."
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